Jardin blanc, ciel noir [Libre]

C'était une journée menaçante. Une masse sombre et pesante emplissait le ciel et privait les citadins des caresses de l'astre du jour. Parfois, un bruit retentissant déchirait le ciel, nous rappelant à tout instant que la pluie battante s'approchait à l'horizon.
C'était par ce temps chaud et interminable, assez précoce pour la saison, qu'Akiërynn avait décidé de faire une balade dans le parc qui entourait la cathédrale du temps. Le noble aimait beaucoup profiter de cette espace serein par ce genre de climat, pour cause : la peur des averses avait dissuadé passablement de jeunes amoureux passionnés ou de grands-mères gâteuses de faire leur promenade printanière. C'était dans ces seules conditions de solitude qu'Akiërynn parvenait pleinement à apprécier ce lieu saint et béni des dieux.

Les jardins de la cathédrale étaient à l'image de cette dernière : entretenus impeccablement dans une alliance de couleurs sobre. Les roses blanches se mêlaient aux lys tandis que les lotus égayaient l'étang, aucune fausse note de couleur, aucune mauvaise herbe pour gâcher ce tableau exquis. Le tout semblait rayonner de fraicheur et de naturel : simple, mais efficace, voilà qui était digne du plus célèbre monument de la citée. Même les tombes des anciens souverains et autres sages du royaume étaient en accord avec le reste : leur épitaphe était gravée dans le marbre blanc sur lequel poussait un lierre discret. Non loin d'elles, un très vieil acacia en fleur laissait le vent capricieux emporter ses pétales immaculés aux quatre coins du jardin.

Un coup de tonnerre fit trembler le ciel. Akiërynn s'arrêta brusquement aux milieux des sépulcres qui bordaient l'étang et leva la tête en direction des obscurs nuages. Il observa la masse opaque qui se mouvait là-haut, profonde et impénétrable. Il ferma les yeux puis inspira profondément. L'air était humide, la pluie s'approchait indéniablement.
Tout à coup, les gonds de la cathédrale grincèrent lentement, très lentement. Ce détail attira l'attention du dandy qui examina d'un œil interrogateur l'entrance du monument sacré.

Cette journée avait mal commencée, la jeune femme était venue au temple dans l'espoir de trouver des indices sur ses intérêts principaux. Brom, l'un des prêtres du temple et ami d'enfance de la jeune femme n'avait pas été totalement utile pour le coup. Les cheveux châtains et hirsutes contrastaient avec son regard sévère et sa barbe travaillée de cet homme dont la carrure imposante se fondait dans les vêtements amples des prêtes de la lumière, Brom avait avant tout recherché à comprendre à qui était destiné les formules et antidotes que la femme désirait, et ayant déduit rapidement qui était la personne concernée, une dispute éclata.

Brom usait trop de sa "sagesse" pour essayer de convaincre son amie, ce qui n'avait provoqué que l'effet inverse, fouissant le problème encore plus profondément, à croire que tout ses amis s'étaient ligués pour empêcher la jeune femme d'avancer sur le problème. Ils étaient pourtant jeune à l'époque, le problème paraissait relativement plus grand il y a quelques années, mais maintenant cela aurait pu être une partie de plaisir. Mais les risques dans tout ça? Loucia s'en fichait bien, tandis que Brom, ne cachant pas son affection appuyée envers son amie d'enfance, recherchait surtout à la préserver, ce qui influait malheureusement sur son objectivité et sa capacité à être utile.

La marchande s'en alla en claquant des talons, montrant à tout les prieurs son amertume par une grand "TOUS LES MÊMES" qui aurait pu faire trembler les cloches du temple.

"Ce n'est pas avec un comportement pareil qu'il pourra s'estimer être un prétendant correct, encore heureux que je ne sois pas mariée avec..."

Poussant les immenses portes du temple, la givré leva les yeux au ciel, les nuages reflétaient son moral et la pluie tomba aussitôt que la jeune femme en avait épris le besoin d'en faire de même. La marchande était préventive et avait conservée une ombrelle au cas où le temps se ferait plus maussade, elle l'ouvra délicatement tout en descendant les marches de l'entrée, remarquant par la même occasion qu'un homme, visiblement noble, l'observait.
S'avançant vers lui avant autant de gêne qu'il en avait pour la regarder, elle pencha légèrement son petit abri de tissu vers l'homme pour qu'ils soient tout deux hors du champs d'attaque des gouttes d'eau.

"Quelle idée de sortir avec un temps pareil sans la moindre protection, vous risquez de salir vos beaux vêtements!"

Ces dernières paroles essayèrent de résonner comme un brin de plaisanterie, même si l'humeur ternie de la jeune femme ne s'y prêtait guère, le sourire apaisant de son interlocuteur lui sortit ses problèmes de son esprit durant un court instant.

Une jeune femme, à la fois vigoureuse et gracieuse, était venue le protéger de ce ciel pluvieux en partageant avec lui un peu de place sous son ombrelle. Ce simple geste, qui aurait pu être décrit comme anodin, était aux yeux d'Akiërynn révélateur d'une grande générosité.
Il avait attentivement observé la jeune inconnue à sa sortie mouvementée –et c'est peu dire- de la cathédrale. Une telle nuance entre beauté et caractère suscitait naturellement l'intérêt du dandy : comment rester insensible à ce charme ravageur ?

- Mes habits ? Ne vous en faites pas pour eux. Mais si leur santé vous inquiètes tant que ça, je m'assurerai de les choyer à mon retour.

Cette petite boutade, accompagnée de son habituel petit rire, était destinée à instaurer une relation plus détendue entre les deux individus.
Akiërynn détacha son regard de la belle jeune demoiselle et porta un œil observateur sur l'étang qui s'étendait à leurs pieds. Ce dernier était devenu mouvementé, parcouru fine ondulations qui avait effacées le moindre reflet tandis que de délicates gouttelettes d'eau ruisselaient sur les pétales des lotus argentés.

- Dites-moi plutôt : qu'est-ce qui a bien pu amener une sirène à venir en aide à un inconnu en proie à la noyade ? Dit-il, d'un ton un brin détaché.

La jeune femme esquissa un sourire, cela faisait longtemps qu'un brin d'humour ne l'avait caressé de manière aussi apaisante, il fallait dire qu'après cette maudite guerre, le retour de Krynn et la reprise de ses recherches initiales ne lui avait laissé aucun temps pour s'amuser. Elle décida de se laisser un peu aller tout en répondant avec amusement.

"Surement comme dans tout les contes de fées, une simple coïncidence et un peu de timing"

Elle ne réalisa pas la portée de ses paroles, même s'il était évident qu'on la draguais sec. La compagnie de certains dandy était pourtant très rare chez Loucia, elle les prenait pour de beaux parleurs avant tout, mais celui-là... il avait un côté amusant et surement moins faux que les autres

"Quitte à se noyer, pourquoi ne pas la faire avec un petit verre à la taverne du coin?" ajouta-t-elle tout en fixant l'homme de ses yeux perlés

Un verre à la taverne du coin ? L'idée plaisait à Akiërynn qui, il fallait l'avouer, avait besoin d'un remontant par ce temps de chien.

- La taverne de Telma vous convient ? Demanda-t-il à la belle jeune femme qui acquiesça d'un signe de tête.

Ainsi, quittant les tombes et le jardin saint, ils marchèrent sous les cieux pluvieux en direction d'un lieu plus chaleureux.

[Suite à la taverne de Telma]

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