Les vacances de Ranskaa et Ceyl

Ranskaa avait décidé de prendre un peu de bon temps, se reposer un peu, et respirer du bon air frais. Il s'était donc dirigé vers le lac Hylia, avec l'espoir de se reposer sur l'herbe, à regarder les nuages. Mais il savait que cela n'allait pas être de tout repos. Ceyl devait le rejoindre. Ces vacances promettaient d'être longues.

Il enjamba la barrière qui bouchait le chemin vers le lac. Son voyage au travers des plaines avait cette fois ci été plus éprouvant que d'habitude. Attaqué par une horde de Moblins, il avait été touché a la jambe par une de leurs lances qu'il n'avait pas réussi à esquiver. Et il avait peur que la plaie ne s'infecte. Grimaçant, il parvint donc non loin de la demeure du scientifique, et pu admirer les nombreux pontons qui peuplaient la surface du lac. Il contempla longuement la végétation qui entourait les eaux. On disait que le repaire de Moordenaar se trouvait sous les eaux sombres. Il avait déjà entendu parler de Mya, à Krynn. On disait d'elle qu'elle était froide et impitoyable. A l'image de sa guilde d'assassins. Et de voleurs. A cette pensée, il se dit que Moordenaar aurait peut-être été une bonne guilde pour lui, si il avait pu y être accepté. Mais ce milieu où les gens trouvaient classe d'être froids, distants et sombres ne lui plaisait pas. Il rêvait d'une guilde plus libre, où ses compagnons ne seraient pas de marbre, où être puissant ne signifiait pas être inhumain. Après tout, même un petit diable comme lui avait des sentiments, alors… même si les scrupules devaient disparaître lors d'un assassinat, pourquoi ne pas rester jovial le reste de sa vie..?

Il traîna sa jambe douloureuse jusqu'à la berge, et la plongea dans l'eau. La fraîcheur soulagea quelque peu sa douleur. L'enfant resta longtemps assis sur le bord de l'eau. Il fut intrigué par la bâtisse du scientifique, une maison difforme, non loin de lui sur la gauche. La citrouille admirait l'eau qui reflétait la lumière du soleil, et laissait aller son regard tout autour de lui. Il aimais beaucoup ce paysage, presque autant que la forêt Kokiri. Il ne lui restait plus qu'à attendre Ceyl qui pourrait peut-être l'aider à soulager sa blessure ainsi que la solitude qui commençait à s'installer au fur et à mesure que la douleur à sa jambe s'estompait.

Ceyl partit tôt ce matin là, elle avait en effet rendez-vous au lac Hylia et avait de bonnes heures de marche devant elle. L’aube commençait à se pointer quand elle sortit du ranch Lon Lon. Elle avait passé la nuit cachée dans l’écurie, partir sans se faire voir était donc momentanément sa première préoccupation. C’est ainsi qu’elle prit garde à tout objet potentiellement bruyant et marcha le plus rapidement et discrètement possible jusqu’à ce que le bâtiment soit hors de vue. Elle put alors ralentir sa course et prendre une allure plus raisonnable, qui lui permit de regarder le paysage et prendre des notes sur l’écosystème local.

Ceyl n’arriva en vue du lac qu’en fin de matinée. Elle plissa les yeux et vit une petite silhouette assise à son bord. Au fur et à mesure que la jeune femme approchait, elle réussit à identifier Ranskaa, qui baignait ses jambes frêles dans l’eau pure. Il semblait plongé dans ses pensées et ne l’avait absolument pas entendu approcher. Ceyl attendit donc derrière lui, et voyant qu’il ne l’avait toujours pas remarqué, s’éclaircit bruyamment la gorge tout en lui tapotant l’épaule.

L’enfant, pris au dépourvu, se retourna violemment et glissa dans l’eau. Il se débattit quelques instants, mais voyant que sa citrouille l’empêchait de couler, il se calma. Son couvre-chef flottait comme une bouée, lui maintenant obstinément la tête hors de l’eau. Il attrapa alors le manche de la faux que lui tendait Ceyl et se hissa sur la berge. Il était déjà debout et avait fini de crachoter l’eau avalée quand l’elfe se décida enfin à lui adresser quelques excuses embarassées.

-…Pas de problème, répondit au bout d’un certain temps le jeune garçon. Ce dernier frictionnait sa jambe et grimaçait de douleur.
-Tu es blessé ? Laisse moi voir, j’ai peut-être de quoi t’aider.

Ranskaa s’assit sur le sol et déchira davantage son collant. Il tendit alors la jambe et attendit que Ceyl ait terminé son examen. Au bout de quelques secondes, celle-ci sortit de sa sacoche quelques feuilles encore vertes et les mâcha longuement. Une fois réduites sous la forme d’une pâte épaisse, elle l’appliqua sur la plaie. Elle déchira ensuite un pan de sa tunique et le noua autour.

-La blessure était propre, annonça-t-elle, ton petit plongeon s’est chargé de la nettoyer. Les plantes serviront quant à elles à la cicatrisation. Tu verras, c’est très efficace; dans deux jours tu n’auras plus qu’une simple marque.

Le skull kid marmonna un vague merci et se releva.

Ranskaa, surpris par l'arrivée relativement furtive de la jeune femme, avait piqué une tête contre son gré. Sa citrouille, pleine d'air, fit office de flotteur et il parvint à se hisser sur la berge grâce au manche de la faux de Ceyl. Cette dernière lui avait ensuite prodigué les premiers soins quant à sa blessure. Il se sentait mieux. Cela commençait par le fait de ne plus être seul.

Ils discutèrent un peu de leurs vies, le temps que la brûlure que ressentait le Skull Kid disparaisse. Le soleil était au zénith lorsqu'ils décidèrent de se lever. Ranskaa, ajustant son bilboquet à sa ceinture, et refermant sa cape par dessus ses collants déchirés, lança, à tout hasard, cette petite phrase qui amenait en fait une profonde réflexion:

"Qu'est ce qu'on fait?"

S'ensuivit un silence quelque peu lourd, puis finalement, sans répondre, ils commencèrent à faire le tour du lac. Ils ne croisèrent presque personne, excepté un ou deux zoras qui prenaient leur bain, qu'ils saluèrent de loin. Ils continuèrent leur route, et deux ou trois heures après, ils avaient fait le tour complet du lac et se retrouvaient à nouveau devant la maison du scientifique. Ils se concertèrent du regard, et ayant la fâcheuse tendance de s'ennuyer, se dirigèrent vers la porte à laquelle ils frappèrent. Ranskaa poussa la poignée avant même que qui que ce soit ne leur réponde, et tira Ceyl à l'intérieur. La première pièce semblait déserte. Il examina donc les quelques étagère, remplies de bocaux contenant des substances douteuses. Il ramassa quelques rubis qui traînaient ça et là, puis se tourna vers Ceyl.