[Temple du Temps] Bâton Anima et Golgohma.

[...] Ce nouvel endroit semblait bien différent de la salle précédente, bien que seul un vitrail les sépara. Les murs blancs, toujours arborant d'antiques tracés ternes, parfois décorés par de grandes fenêtres aux impressionnants vitraux colorés, entouraient les deux frères qui se trouvaient désormais dans une pièce encore plus grande que les précédentes réunies. Au centre, une énorme cloche était posée au sol, sur laquelle d'étranges symboles gravés pour une raison inconnue luisaient dans la pénombre. D'anciens vases, encore en bon état, étaient éparpillés un peu partout, quoiqu’ils se retrouvassent en plus grand nombre dans les coins. Tout au fond de la salle, on apercevait une nouvelle fois un garde de pierre, se tenant à la gauche d'une imposante porte aux bords taillés dans ce qui devait être de l'or. Sacrys s’avança vers cette dernière, laissant onduler ses amples manches sur son passage, son impassible masque de fer rivé vers le golem inanimé.

- Et bien… entrons, lança-t-il à son frère.

Il s’avança, passant à côté de la statue, et vint poser sa main gantée sur la porte. Cependant, les gonds refusèrent de pivoter. S'agissait-il d'un dispositif de sécurité pour s’assurer que seul le héros du temps pourrait s’enfoncer au cœur du Temple ? Au même instant, un grouillement provenant des entrailles du temple vint résonner dans la salle, secouant sol, murs et plafond. La chose qui dormait au plus profond de ce lieu sacré semblait avoir remarqué la présence d’intrus dans son domaine, et devait probablement être enchantée de l’arrivée d’un peu de viande fraîche, ou alors frustrée de voir des pillards s’aventurer dans les parages. Sacrys tenta d’ouvrir magiquement une faille dans la solide porte, sans succès. Vraisemblablement, de puissants enchanteurs avaient ensorcelé certains objets clefs de ce sanctuaire. N’ayant d’autre choix que celui d’observer les environs afin de déceler un quelconque mécanisme pouvant potentiellement leur ouvrir le passage, l’archiviste se tint debout, immobile, et fit ce qu’il lui restait à faire. Bientôt, son regard s’attarda sur l’unique garde et il ne put s’empêcher de faire une remarque à voix haute :

- Est-il bien normal qu’il n’y ait qu’une seule statue ici ? Il aurait été symétriquement plus juste d’en mettre deux, une de part et d’autre de la porte, et de respecter par la même occasion le nombre de statues de la salle à l’entrée.

Il avait vu juste : Il manquait très certainement une statue. Peut-être était-ce là la raison pour laquelle la porte refusait de s’ouvrir ? Il ne pouvait trop s’avancer sur de tels détails pour l’instant. Tout ce qu’il savait, c’était que si statue il manquait, statue il devrait remettre en place. Son regard se détourna et vint se poser sur un cube doré au sol que regardait son frère avec intérêt. Était-ce là le mécanisme qu’ils cherchaient ? Immédiatement, le mage leva le bras gauche et fit surgir du néant un nuage de mouches noires, qui s’avérait être en réalité un amas volant de minuscules cubes ébènes. Ces derniers se ramassèrent, chevauchèrent et compilèrent jusqu’à former un cube encore plus gros et certainement plus lourd que celui en or, sur lequel il vint se déposer. L’effet fut immédiat : Agissant comme s’il s’agissait d’un bouton devant actionner toute une machinerie, le cube doré s’enfonça dans le sol et, aussitôt, un morceau du plancher s’éleva plus loin, donnant naissance à une énorme marche d’escalier facile à grimper. Cette même marche permettait également l’accès à une espèce de balustrade surélevée, inaccessible depuis le sol pour un membre normal de la Race de l’Ombre. En suivant ce passage, on arrivait enfin à une porte… Et qui disait « Porte » disait « Nouvelle salle », et par conséquent, cela signifiait que la progression vers le fin fond du Temple restait toujours possible.

- Mais en voilà un passage, lança le frère aîné. Et maintenant, téléportation !

Le mage se volatilisa, transformant prestement son corps en cubes noirs, avant de réapparaître à côté de la porte qu’il avait finit par repérer à l’aide de l’ingénieux mécanisme. Évidemment, il avait laissé son frère derrière. De toute façon, il devait très certainement être capable d’arriver jusque là par ses propres moyens.

- Dépêches-toi, Oami, ou je serais forcé de progresser en te laissant ronfler ici.

- Attends que je t’attrape…

Aussitôt, Oami fila telle une flèche en direction de son aîné. Arrivé en face du mur que l'escalator devait permettre de franchir, il décida d'effectuer un marché mural qui aurait bien pu ridiculement échouer s'il n'avait pas planté un kunai dans la pierre au bon moment pour reprendre de l'élan et se propulser vers le rebord. Après avoir tourné son impassible masque vers le ninja qui, désormais, récupérait son arme à l'aide d'une ficelle terminée par une boucle conçue avec une extraordinaire dextérité, Sacrys revint à sa porte qui devait lui permettre de progresser dans le temple. Cette dernière était maintenue en place par d'énormes chaînes qui se croisaient en un solide cadenas, probablement en fonte.

- Peut-être que... pensa l'archiviste à haute voix.

Du bout de sa main gantée, il effleura la serrure, puis créa de nouveau un objet éthéré à l'aide d'une effusion de minuscules cubes noirs. A l'intérieur même du cadenas se forma une clef, ajustée à la perfection au mécanisme qu'elle renfermait. D'un geste las, le mage fit tourner la clef et, aussitôt, les chaînes s'affaissèrent sur le sol. Puis, étant le plus fort des deux, Oami glissa ses doigts sous l'épaisse porte et la poussa vers le haut, libérant le passage. Le duo put alors pénétrer dans une nouvelle pièce, contrastant étonnement bien avec la précédente par son étroitesse. Droit devant était, soigneusement placée sur des escaliers décoratifs, une profusion de vases décorés de magnifiques symboles par des maîtres potiers. A gauche, un enfoncement dans le mur semblait avoir permis le placement d'une seconde cloche, semblable à celle de la salle précédente, suspendue au plafond. A droite, des grilles dorées bloquaient un passage très ambigüe. Et enfin, au centre, se trouvait de nouveau un dalle dorée devant actionner un quelconque mécanisme une fois enfoncée dans le sol.

- Pan pan pan... Que se passerait-il maintenant si on appuyait sur cette dalle ? songea Sacrys.

Brusquement, une chose hideuse, munie de quatre paires de pattes poilue, chuta du plafond et vint atterrir sur la tête d'Oami. Sans probablement même prendre le temps de chercher à connaître la nature du nouvel arrivant, le chasseur de primes la saisit d'une main pour l'éloigner de sa nuque et lui envoya un solide coup de pied qui suffit à la propulser à quelques mètres de là. D'un mouvement encore plus rapide, il saisit le manche de son katana et fendit l'air de son arme en vue de trancher la créature en deux. Cependant, bien au courant du danger qu'elle encourait en restant statique, cette dernière bondit, évita la lame de peu, et écarta deux grandes mandibules devant sa bouche. C'est à ce moment que le sorcier se rendit compte qu'il s'agissait d'une araignée, et même d'une très grosse araignée, qui se dirigeait de plus droit vers son masque métallique. Ce masque, elle ne toucha jamais, car au dernier moment, le ninja lui envoya un puissant coup du tranchant de son sabre qui suffit à lui scinder le corps en deux.

- Maintenant, comment on fait pour passer ? demanda le frère cadet, toujours prêt à en découdre.

- Une seconde, lui répondit son interlocuteur.

De l’index et du majeur de sa main directrice, il pointa les restes gluants de l’araignée. En moins d’une fraction de secondes, des cubes noirs jaillirent et s’agglutinèrent pour former progressivement une pertuisane qui s’allongea jusqu’à transpercer le cadavre de la créature, avant de retourner dans le néant.

- On est sûr d’être tranquille, ainsi, déclara solennellement Sacrys après s’être assurée que la chose ne se relèverait plus. Ensuite, pour passer, il y a cette dalle qui doit cacher un certain mécanisme.

Toujours des deux doigts de sa main directrice, il pointa la case dorée au sol et l’enfonça dans le sol en créant pour la seconde fois un cube noir. Aussitôt, à leur droite, une grille dorée s’ouvrit tandis que celle qui la suivait se ferma. Le principe était évident : Tant que la dalle était enfoncée, l’une des grilles était ouverte, l’autre fermée. Et dès que la dalle n’était plus enfoncée, l’inverse se produisait. Sans trop chercher à connaître l’avis de son frère, Sacrys traversa la première grille et s’arrêta devant la seconde, fermée. Subitement, une chose se détacha du plafond, mais fut instantanément transpercée par un javelot éthéré créé magiquement par le mage. L’araignée chuta alors vers le sol, à quelques pieds de sa proie, et s’y cogna dans un craquement sourd. L’effet de surprise, comme on le dit, n’est valable que la première fois. Par la suite, il ne vaut absolument plus rien face à un ennemi rusé.

- Un peu trop de ces audacieuses bestioles dans le coin, dit-il simplement, maintenant rejoint par son frère, avant de supprimer le cube noir en un claquement de doigts.

N’étant plus enfoncée dans le sol par un poids quelconque, la dalle remonta vers le haut et, aussitôt, les grilles bougèrent. Ainsi, les deux frères purent continuer à avancer et, bientôt, tournèrent à droite pour faire face à des escaliers qui devaient leur permettre de monter plus haut. Cependant, une nouvelle créature se présenta pour leur barrer la route. Equipé d’une rondache ainsi que d’un sabre émoussé, un lézard bipède sauta cinq ou sept marches pour arriver aux pieds des escaliers, prêt à saigner les intrus. Tout comme si le nouvel arrivant ne valait pas plus qu’un cafard, Sacrys recula d’un pas et lança à Oami, son frère :

- Je te le laisse. Montre lui le chemin vers le néant.

Comme le lui avait demandé son frère, Oami ne tarda pas à aller s'occuper du reptile armé. Parant avec brio un assaut frontal, le ninja enchaîna immédiatement avec un saut d'une extrême précision qui lui permit de se retrouver derrière son opposant et de l'embrocher par derrière de sa lame. La créature, après avoir poussé un faible râlement et régurgité une grande quantité de sang, s'écroula au sol, d'abord agitée par quelques spasmes, puis totalement inerte. Du travail vite fait, bien fait.

- Au lieu de parer, la prochaine fois, tranche le bras. Bien plus efficace et amusant, lança Sacrys, bien plus décontracté que son frère cadet dans cet énigmatique temple.

Le duo d'explorateur grimpa donc les escaliers jusqu'à apercevoir, à la fin des marches, une salle circulaire légèrement plus spacieuse que la précédente, grouillant d'ignobles guerriers à écailles. A l'Est, une nouvelle barrière dorée barrait le passage. L'épéiste devança son aîné, prêt à passer à l'attaque, avant de s'adresser à ce dernier des mots d'une politesse peu appréciée :

- Bouge-toi le fion, Sacrys, le comité d'accueil nous attend.

- Nous attend ? Mais non, le comité d'accueil n'attends que toi. D'ailleurs, voilà ton escorte personnelle qui s'en vient, répliqua sur le ton de la plaisanterie le sorcier.

Et, en moins d'une fraction de secondes, son corps se désagrégea, laissant place à quelques particules noires de jais qui ne tardèrent pas à se volatiliser. Pour son manque de politesse envers son grand frère, le jeune ninja allait devoir affronter seul les trois reptiles armés qui se déplaçaient à toute vitesse dans sa direction. Peut-être qu'après cela, il témoignerait un peu plus de respect envers ses proches ?

De son côté, laissant la bataille derrière-lui, l'archiviste réapparu de l'autre côté de la barrière. Il était difficile d'exprimer par de simples mots comment il était fantastique et magnifiquement pratique de pouvoir se téléporter, même de façon limitée, dès qu'on le souhaitait. Brièvement, il regarda en arrière et aperçut deux dalles dorées au sol. Son frère n'aurait qu'à aller chercher quelques vases dans le coin et les y déposer pour ouvrir le passage, une fois débarrassé des lézards.

- Alors alors, pour passer, je suis censé ouvrir cette porte ? se demanda intérieurement Sacrys, regardant désormais devant lui.

A quelques mètres se trouvait une lourde porte, semblable à celle qu'Oami avait réussi à soulever précédemment pour ouvrir le passage. Loin d'être musclé comme ce dernier, le magicien opta pour une solution radicale et chirurgicale : Détruire la porte. D'un geste, il fit apparaître une longue chaîne éthérée dans sa main droite et laissa flotter dans les airs, tout autour de lui, un épais nuage de sombres minuscules cubes. Il commença alors à faire tournoyer l'objet au dessus de sa tête. Au bout d'un instant, jugeant avoir pris assez d'élan, il envoya la chaîne droit vers l'obstacle et marmonna d'incompréhensibles paroles. Sans tarder, les cubes noirs vinrent s'agglutiner au bout de l'arme, formant un imposant boulet quelques secondes avant l'impact. Une façon, comme une autre, de remplacer la force par la magie.

C'est dans une véritable détonation que la porte explosa lorsqu'elle fut percutée de plein fouet par l'énorme fléau à piques. Les morceaux de pierres, jonchant maintenant le sol dans un désordre total, contrastaient étonnement bien avec l'aspect rangé et ordonné des pièces précédentes. Jugeant qu'il ferait bien de vérifier si son frère s'en sortait, le sorcier se retourna et demanda, bien haut et fort :

- Tu as presque fini ou tu y es encore ?

Ceci, il le disait sans savoir qu'un golem portant un masque aborigène venait de s'animer, derrière, et avançait en sautillant vers le ninja qui était loin d'être au bout de ses peines.