Requiescat in Pace... (PV : Adelaïs et Viken)

Le soleil, bien que Viken ne l'appréciait guère, était signe de sécurité aujourd'hui, car le cimetière d'Ikana reposait autant de légendes macabres que de défunts. Les rayons noyant les obscures récits, ce dernier s'était rendu dans cet endroit emplit de larmes d'antan qui résonnaient encore la nuit, mais dont la tristesse se faisait ressentir à n'importe quelle heure, pour n'importe quelle personne ayant un cœur, même en Bois.

Il était vers quatorze heure et le Pantin était assit sur une pierre tombale à l'ombre d'un vieil arbre que Shadow, son chaton, essayait vainement d'escalader. Il ressortit encore une fois ce papier qu'il avait obtenu au bureau de quêtes du Bourg Clocher. Une enquête à risque, disait la belle gérante. Aussi, l'intérêt qu'il manifestait pour ce travail convenablement payé pouvait être sans égal, se disait-il en repensant à l'autre personne énoncée par la femme du bureau. Une jolie femme au teint pâle, avait-elle décrite, qui avait elle aussi montré un intérêt certain pour cette quête. Il la croiserait sans doute ici, car il avait prit assez de provisions pour y rester le temps qu'il faudra pour élucider ces étranges disparitions. Trois enfants et sept adultes, ce qui ne laissait aucun doute sur le fait qu'il se passait quelque chose ici. S'il fallait y rester nuit et jour, alors soit, le Pantin était prêt.

Il sortit une pomme de son sac, se leva et s'étira en baillant longuement. Il était temps de commencer l'inspection des lieux. D'un pas lent et d'un œil observateur sous son masque intégral de loup, il se déplaçait dans le grand cimetière, silencieusement afin de ne laisser échapper aucun bruit.

N'enregistrant que de futiles informations durant une heure déjà, il retourna se poser sur le marbre. Il réfléchit, et décida d'attendre le soir avant de se remettre au travail. Il était sûr quasiment que malgré le danger rodant dès le crépuscule ici, il se passerait peut-être quelque chose. Il s'allongea, tandis que Shadow vint mendier une caresse qu'il gagna aussitôt en venant s'allonger sur son torse en ronronnant. Un quart d'heure passa avant que le grincement de la lourde porte du cimetière ne le sorte de ses pensées. Il poussa la petite boule de poils noirs sur le côté avant de se lever silencieusement, et se diriger vers l'entrée discrètement...

À la vue d'une jeune femme très svelte aux cheveux roses, Viken remit bien en place son masque de Loup. Voyant Shadow courir vers un autre chat très semblable à lui appartenant visiblement à cette inconnue plutôt mignonne, il décida que ce serait l'occasion de lui parler, ce qui lui permettrait peut-être de se renseigner enfin un peu sur l'affaire des disparitions.

Il marcha doucement vers la femme tandis que son chat faisait le beau devant l'autre en alternant roulades par terre et sauts démesurés. Ils se ressemblaient tellement que seul le comportement enfantin de Shadow lui permettait de le distinguer.

Il porta son attention sur un visage neutre qui l'observait dans sa marche qui mettait en valeur le sinistre décor. Un regard froid froid et méfiant. Une femme de caractère, à première vue, donc pas la peine de faire semblant d'être un gentilhomme amical. De plus, il ne savait pas pourquoi, mais elle l'intriguait. Il la regarda ajuster la cape sur son dos, d'un air toujours aussi nonchalant. Il devenait hésitant au fur et à mesure que la distance les séparant se grignotait. Peut-être était-elle mêlée à ces disparitions, ou peut-être était-ce la femme qui avait porté elle aussi attention à l'annonce.

Deux mètres... Assez pour entamer une conversation sans avoir l'air agressif, ou pour esquiver et fuir en cas d'hostilités...

Shadow, laisses tes hormones de côté et arrêtes la drague, tu veux ? Dit-il à son chat en l'attrapant pour pour le poser sur son épaule.

Puis il reporta à nouveau son attention sur la belle femme au teint pâle, évitant de croiser son regard qui pourrait s'avérer intimidant dans le sens qu'elle était tout de même une personne de sexe opposé assez attirante. Il décida d'ailleurs, durement, de laisser de côté ses jeux de séduction qu'il aimait par dessus tout, car pour lui, vouloir charmer les femmes était une chose à laquelle il était accro et qui lui avait valu maintes et maintes conquêtes. Il se racla la gorge.

Loin de moi l'idée de vouloir vous déranger. J'aurais juste quelques questions pour une enquête. Fréquentez-vous souvent ce cimetière ?

Le fort caractère de l'inconnue plu au Pantin, mais lui posa un froid. Il savait qu'une femme en colère pouvait se montrer extrêmement redoutable, surtout pour lui, et aussi très difficile à protéger. Il se demanda alors si cette femme serait une aide ou un obstacle pour lui dans cette enquête. Dans le cas second, il devrait mener l'enquête seul de son côté, ou abandonner et lui laisser la prime, mais c'était hors de question. Elle avait l'air loin d'être vulnérable, mais il ne pourrait pas la laisser ici sans s'en vouloir. Puis il le savait, elle était jolie et froide, et ça, il ne pouvait y résister.

Allez, Pantin, fais preuve d'un peu d'humilité. Tu désirais avoir cette belle inconnue à tes côtés pour cette l'enquête. Aucun mal à faire équipe avec elle. Mais ne montres aucun enthousiasme, cette femme pourrait t'éteindre de quelques mots, comme toutes. N'oublies pas ton point faible, Viken !

Alors qu'elle observait déjà les pierres tombales, il la rejoignit. Shadow, lui, restait silencieux, il devait probablement se demander ce qu'il s'était passé avec la chose bizarre de la femme qui fut un chat durant quelques minutes. Il s'assit sur la tombe qu'elle observait, sans la regarder, et soupira.

J'ai déjà fait plusieurs fois le tour de ce cimetière très minutieusement, et je n'ai rien trouvé. Faisons équipe, on touchera notre part tous les deux. Le plus important, c'est de percer le récent secret de ce cimetière que d'autres victimes ne disparaissent. Je m'appelle Viken.

Adelaïs... Joli prénom. Mais est-ce qu'une femme portant un nom si clément se pouvait de porter un tel caractère ? Peut-être n'était-ce qu'une façade. Il tenta de croiser son regard, juste une seconde...

Oh... Je vois... Elle n'a peut-être pas besoin d'un masque comme moi pour se cacher... Enfin, peu importe, peut-être que je me trompe. Je vais faire semblant de rien, je ne peux pas la blesser, ni être trop lourd pour elle.

Une seconde... C'est ce qu'il suffisait au Pantin pour regarder presque dans le cœur des êtres de ce monde. Sauf elle, visiblement... Quoi qu'il en soit, cette femme n'avait peut-être rien de si ordinaire. Il le sentait. De plus, elle réfléchit trop, beaucoup trop pour être naturelle... Était-il une gène à ce point pour elle ? Il semblait l'irriter rien que par sa présence. C'était décidé, il ne se ferait plus si imposant avec elle, et serait efficace au mieux possible...

Oh bon sang, mais qu'est-ce que c'est que ça ?

Voyant son joli minois se retrousser, il su qu'il n'était pas le seul à avoir sentit cette... Chose ? Même Shadow eut le poil hérissé. Par réflexe, Viken s'était relevé d'un coup, la main s'était posé sur le fourreau de son Sabre. Il avait flairé grand danger. Adelaïs regardait à présent le ciel.

Je ne serais pas la proie... Murmura-t-il pour lui même.

Pour se rassurer ? Mais de quoi ? Trêve de pensées, il fallait agir.

Hé, la bavarde. S'adressa-t-il à sa coéquipière d'infortune. Tu sais ce que c'était ? Vu la tête que tu tires, on croirait que oui... Est-ce de la peur que j'arrive à lire sur ton visage ?

Il était conscient qu'il risquait de se faire envoyer balader avec le ton méprisant qu'il commençait à prendre à l'égard de cette femme. Mais il y avait en elle quelque chose qu'il aimerait percer. Quelque chose qui l'intriguait, il ne savait pourquoi. Mais il voulait savoir...

Mais savoir quoi, bordel ? Qui est cette femme ? Restes calme, Viken, ne montres aucune faille...

Encore ébahi par l'envolée gracieuse et majestueuse de la chose étrange d'Adelaïs, il ne fit pas tout de suite attention à elle. Shadow, frustré, avait enfoncé ses griffes dans la nuque de son maître, chose qu'il a l'habitude de faire sous le coup de la peur ou pour le prévenir de quelque chose qu'il n'aurait pas vu.

D'un coup, il se sentit comme dans un autre monde. Une chose qui change de forme venait de se transformer en Ange et de s'envoler sous son nez, et cette femme responsable de ce spectacle l'avait rembarré aussi sec. Il n'avait pas peur de la Mort, il avait peur de mourir avant même d'avoir éclairci la moindre chose sur lui-même. La Mort dans le doute était sûrement parmi les plus atroces. Sans réfléchir plus, il se reprit d'un coup.

Mais tu es qui ? Tu es quoi ? Et ta chose, c'est quoi ? Et cette menace ? Dis-moi tout, j'ai le droit de savoir, si ça plane au dessus de ma tête ! Puis en quoi tu n'es pas une mortelle, toi ? Je veux savoir, je dois savoir !

Il était conscient qu'elle ne se payait pas sa tête, mais qu'elle pensait réellement ce qu'elle disait. Ce n'était pas une femme comme les autres. Quelque chose de malsain et de triste souillait son regard. Peut-être était-elle comme lui, une chose que l'on ne peut plus qualifier ni d'humain, ni de normal. Mais visiblement, elle, avait l'air d'avoir le luxe de connaître son passé. De Savoir...

Je ne te veux aucun mal, et peu importe qu'il puisse me faucher, je dois continuer à vivre ! Ajouta-t-il sans lui laisser le temps de répondre. Si tu veux te battre avec lui, alors je veux me battre aussi ! Seulement, si tu veux que mon aide soit sûre de servir, je te demanderais d'attendre le crépuscule. Cette nuit, c'est la pleine Lune. Et tu sauras bien assez tôt que je ne suis pas qu'un simple mortel. Je suppose que ta chose est partie se battre. Peut-elle tenir longtemps ? Parles !

Il s'énervait trop vite, aujourd'hui. Il savait que ce serait ainsi, car la pleine Lune se faisait proche, et ça se faisait ressentir dans tout son système nerveux. Il devait absolument se calmer. Son ventre grognait, de faim, et de rage... Il attendit la réponse d'Adelaïs, fermement.

Une Ange déchue aux ailes noires comme la haine. Il aurait tout vu, maintenant. Mais quoi qu'elle ai pu faire pour se faire bannir du ciel, il est de fait qu'elle avait un cœur souillé à coup sûr. Il décida de ne pas lui poser plus de questions sur elle, car ses yeux étaient à présent emplis de tristesse et de miséricorde. Elle ne pouvait être mauvaise, après tout. Juste une personne qui, comme lui, a été poignardée dans le dos. Peut-être que même certains Anges avaient le cœur sale.

Son passé inconnu resurgissant du coup dans sa tête, ses questions sur lui-même étaient à nouveau en train de l’abasourdir. Il devait chasser ces mauvaises choses de son esprit, car il commençait à serrer les dents. D'un geste vif et délicat à la fois, sa main se posa sur le devant de son Masque de Bois.

Maintenant que ton masque de chair est tombé, il serait impoli de ma part de garder le mien, bien que je porte comme le masque de moi-même, j'ai un visage.

Ôtant son masque, il révéla son visage parsemé de cicatrices et son œil bleu comme l'azur même.

Maintenant, tu connais le mien. S'il arrive quelque chose à ton ami, je comprendrais que tu veuille m'occire. Je ne te demanderais pas qui est ce Maël, je ne te questionnerais plus à ton sujet. Mais je te demanderais tout de même comment est-ce qu'on peut tuer un Faucheur. Si tu le veux bien, allons en parler en mangeant quelque chose.

Il pointa son sac noir plus loin du doigt.

Pourvu que ton ami tienne le coup. Nous, nous aurons besoin de force. Et à vue d'œil, manger un peu ne te ferait pas de mal, bien au contraire.

Le Pantin décrocha sa lourde Croix de Métal Noir de son dos et se fit craquer la nuque pour se détendre. Il n'entendit aucune réponse.

Rester ici à regarder le ciel ne changera pas le combat entre Neil et Maël. Mon Chat et moi avons faim. Je te préparerais à manger pour toi aussi, libre à toi de te joindre à nous, ou non. Ajouta-t-il en marchant vers son sac, dos à l'Ange Déchue.

L'Ange Déchue avait un cœur, c'était confirmé pour le Maudit aux cicatrices. Si ce n'était pas une larme, alors c'était un élan de tristesse et d'inquiétude. De plus, Shadow ronronnait grassement sous ses caresses. Il se sentait tout de même coupable. Il n'avait posé aucune question, mais elle n'avait émit aucune négation quand au nom de Maël. Il avait déjà entendu parler de lui, dans un bistro de la Citadelle d'Hyrule. Une légende qui racontait que cet Ange de la Mort serait apparu aux yeux de certains, riant, et que quelque chose serait tombé sur Hyrule à ce moment. Beaucoup de dires à ce sujet. Beaucoup disent qu'il s'agirait d'un fragment de la Triforce d'Or, d'autre racontent que ce serait un Ange qui s'était fait bannir en Hyrule. Et cet Ange, UNE Ange, elle était en sa compagnie pour le moment. Il l'avait bernée en lui soutirant des informations à sa manière. Il se demandait également si l'alliage de son Sabre Noir était fait du même alliage que les armes de ce Maël, étant donné qu'il est le même que celui de la Faux de la Faucheuse...

Toujours en silence, il fouilla dans son sac à la recherche de ce qu'il lui fallait pour faire un plat simple, mais assez énergique pour tenir longtemps. Il sortit une petite brique de lait que Shadow vint réclamer par ses miaulements. Il sourit en le regardant se jeter sur sa petite gamelle maintenant remplie à ras bord de son pêché mignon le plus délicieux. Il alluma un petit feu et commença à préparer un plat avec les provisions qu'il avait déjà prévu pour les jours à venir, se demandant encore une fois comment il faisait pour tout porter tout le temps.

J'espère que tu aimes la viande.

Son talent culinaire était en pleine éruption d'épices et d'assaisonnements. Après quinze petites minutes, il se tourna vers Adelaïs, avec deux assiettes bien remplies de brochettes de bœuf au curry toutes chaudes accompagnées de tomates fraiches et de salade croquante, et d'un saumon fumé qu'il tendit au petit chat noir qui sauta dessus comme un affamé.

Doucement, morfal, tu vas encore t'étouffer avec une arrête. Il tendit une assiette à Adelaïs. Bon appétit. Revenons-en à nos moutons. Tu me disais qu'il fallait "découvrir le fil qui le retient à la vie" pour le tuer, cet Ange de la Mort, et que tu as cru avoir réussi jusqu'à aujourd'hui. Il enroula une de ses ficelles autour de son index. J'ai beau m'y connaître un minimum, en ficelles, mais là, je dois avouer que je ne vois pas du tout de quoi tu parles...

Voyant un sourire s'étirer doucement sur les lèvres de l'Ange, il fut satisfait. Ses manières de bon papa lui rappelait cette petite fille qu'il avait sauvé de la Mort. Une demande de rançon avait été déposée chez ses parents après sa disparition. Viken avait trouvé l'annonce urgente, et avait commencé à enquêter juste après, il avait réussi à faire boire un homme assez louche sur l'affaire jusqu'à lui faire avouer l'inavouable. Il l'avait trainé sur sa Croix jusqu'au repaire des bandits, à plusieurs jours de marche du Bourg Clocher. Le visage emplit de haine, les yeux souillés par le désir de tuer. Il avait finit par tous les épargner, mais les a rendu infirmes de leurs bras sans aucune pitié. Il avait ramené l'enfant, ayant été maltraitée. Cette petite fille qui ne verra plus la vie sous le même jour bleu comme le ciel, mais teinté de noir. Il s'était occupé d'elle tout le long du voyage. A l'aide de Shadow, il avait réussi à lui faire retrouver le sourire. Il s'était plié en quatre pour ça, mais pour lui, rien n'est plus beau que l'innocence enfantine. Il avait refusé les Rubis de ses parents, qui avaient mit toutes leurs économies pour payer la rançon par désespoir. "Usez cet argent pour préserver son sourire, il doit être votre bien le plus précieux." Leur a-t-il dit. La petite a tenu à lui donner sa peluche Lobo Blanc, qu'il garde toujours sur lui, dans son sac, bien précieusement depuis ce jour.

Il avait ressentit un élan de fierté à la vue du sourire de la Déchue, car l'innocence pour lui ne devait pas avoir de limite d'âge. Lui aussi pouvait se montrer enfantin par moments, malgré sa dure vie.

Vous êtes quand même plus séduisante lorsque vous souriez. Lui adressa-t-il. Alors ce fil, vous ne pouvez le voir ? Eh bien. Je ne suis pas borgne, comme on pourrait le croire. Depuis une blessure qu'il a reçu, la rétine a rougit et l'œil ne supporte plus la lumière du jour. Je suis en fait victime d'une malédiction. Le prêtre royal m'a dit que j'étais l'enfant du Démon Némésis. Le fruit d'un Amour entre lui et la Faucheuse. Il sortit son Sabre Noir de son fourreau, le vent se mit à siffler, se fendant sur le tranchant de sa lame. J'ai hérité de ce Sabre, dont l'alliage est fait du même que celui de la Faux de ma mère, la Mort. Je suis le Pantin de Némésis. Peut-être que mon œil gauche serait capable de percevoir le fil de la vie, et que mes ficelles et mon Sabre seraient une symbolique. C'est à essayer, mais je ne sais pas me servir de cet œil. Pour moi, tout cela est plus un fardeau qu'autre chose.

Il contempla son assiette maintenant vide.

Je ne sais pas ce que vous en pensez. Mais moi en tout cas, j'ai encore faim, et il reste de la viande. J'espère que tu as apprécié. Vous en reprendrez ?

Shadow, lui, se roulait par terre, repu, le ventre bombé.

Viken remplissait à nouveau les assiettes de brochettes. Il réfléchissait. Ils avaient encore du temps avant le crépuscule, mais il était hors de question qu'il se serve de l'Ange comme cobaye. Lui-même était une conception ratée, alors il n'allait pas risquer la vie de cette nouvelle rencontre pour essayer d'infliger la Mort. Elle était semblable à lui. Considérée plus bas que sa race, elle avait visiblement était trahie, salie, blessée. Il avait même laissé échapper une once de compassion au travers d'un tutoiement. Il revint, les assiettes de nouveau remplies. Cela lui faisait plaisir chaque fois que sa cuisine était appréciée. Il revint s'assoir à côté d'elle et posa son assiette sur ses genoux si fins. Est-ce qu'elle mangeait correctement ?

N'hésites... N'hésitez pas. Mangez à votre faim, il me reste encore de la nourriture. Sachez que je ne compte en aucun cas me servir de vous comme cobaye. Je préfère encore jouer sur un coup de poker. De plus, tant qu'il fait jour, je ne peux pas enlever ce bandeau, alors c'est inutile. Quand à cette lame, je ne l'utilise qu'en dernier recours, en cas de grand danger, donc assez rarement. Chaque être vivant survivant à sa tranche verra son âme se consumer et sombrera dans la folie. D'ailleurs, vos lames aussi ont quelque chose de... Malsain. J'aimerais y jeter un œil si vous êtes d'accord.

Son regard se posa soudain sur la main de l'Ange qui avait touché la lame de son Sabre.

Euh... Votre main... Laissez-moi m'en occuper.

Il retourna fouiller dans son sac pour chercher de l'huile de Blob rouge et un bandage.

Souffrance et Solitude... Il les connaissaient bien, mais plus en larmes qu'en lames. La compassion s'imposait de plus en plus. Pour le moment, ils sont là, à attendre que le temps passe en se tenant compagnie. Il se promit de remédier au mieux à la tristesse de l'Ange, au moins jusqu'à ce que leurs chemins se séparent. Ce soir, avant le crépuscule, il lui expliquerait comment le tenir sans danger dans sa forme lycanthrope, autour d'une pâtisserie. Avant cela, il lui parlerait, il essaierait même de la faire rire s'il y arrive. "Un Cœur de Bois, mais un Cœur quand même"...

Le tutoiement n'est pas une forme d'irrespect, mais de sympathie, ici. Tu as beau vouloir te faire froide, tu reste une personne appréciable, quand tu souris plus souvent.

Il trouva enfin son huile de Blob Rouge et ses bandes dans son bazar, et commença à préparer correctement de quoi stopper l'irritation qu'avait causé sa lame. Peu importe que cela guérisse tout seul ou non. Que quelqu'un s'occupe d'elle dans son malheur ne lui ferait que du bien. Lui aussi, ça lui faisait du bien, chaque fois qu'il avait une personne à qui donner son attention. Peut-être qu'elle y prendrait goût et irait par la suite trouver un homme, ou une femme, capable de prendre soin de son être, et Viken en serait content. Tout le monde mérite sa part de bonheur, mais surtout les êtres qui en ont été presque toujours privés...

J'espère que tu n'es pas douillette, ça risque de piquer un peu.

Il posa un genoux à terre devant elle et tendit sa main, paume vers le haut, pour qu'elle lui donne la sienne. Se rendant compte de la situation qui aurait pu être ambiguë, il ajouta rapidement en souriant, gêné :

Allons, ce n'est pas une demande en mariage, je veux juste soigner ce mal causé par ma lame.

Viken eut à peine le temps de comprendre ce qu'il venait de se passer. Il n'y avait qu'une alternative possible. Laisser l'Ange tenter d'accomplir sa vengeance, car il ne pouvait pas voler et il devait s'occuper des blessures du compagnon de la Déchue. Il saisit tout de même son Sabre et ôta un de ses gants qu'il attacha à l'arme avec le bandage pour éviter que sa main se consume à son contact. Et il l'envoya vers le ciel de toutes ses forces en hurlant.

ADEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEL !!!

Il pria pour qu'elle réceptionne cette arme, et qu'elle puisse enfin accomplir l'acte pour lequel elle vit en partie, sans y laisser la vie. Il pria de toutes ses forces son père. Némésis, le Démon de la Vengeance...

Merde !!!

Tiens bon ! Adressa-t-il à Neil.

Mais il n'avait aucune idée de comment soigner une aile d'Ange. Pas le temps de réfléchir, étant inconscient, il ne pouvait l'aider.

Agir, putain, je dois agir à tout prix avant le Crépuscule !!!

Ni une, ni deux, il se jeta presque sur son sac, essayant de paniquer le moins possible. Sortit le dernier flacon d'huile de Blob Rouge et d'autres bandages, éparpillant la quasi-totalité de son contenu. La peluche Lobo Blanc... A sa vue, il se souvint de cette petite fille, Misha, et donc qu'il ne devait jamais abandonner, au gré de sa vie, pour en sauver d'autres innocentes. Plus innocentes que la sienne...

Il écarta Shadow qui léchait la plaie sanglante de l'aile de l'Ange en miaulant tristement, et posa ce dernier sur une pierre tombale sur laquelle il avait posé son manteau de cuir noir. Il sortit une aiguille chirurgicale de son collier clouté, ainsi qu'un long fil à recoudre les plaies, qu'il cala entre ses dents. Il nettoya la blessure avec un morceau déchiré de sa chemise noire, mais le sang affluait. Pas étonnant, pour avoir une puissance telle pour pouvoir s'envoler avec un poids humain, il devait y avoir beaucoup de muscles dans une telle aile, donc énormément de vaisseaux sanguins. Il détacha sa ceinture et la sangla à la base de l'aile, au plus fort possible. L'hémorragie se stoppa, il pu nettoyer la plaie béante comme il fallait, puis passa l'huile désinfectante et cicatrisante dessus, et à l'intérieur. Il prit son aiguille, passa la fil dedans, et commença à coudre, faisant bien attention aux douces plumes angéliques. Rapidité, précision, il était un vrai professionnel dans l'art de manier les aiguilles, autant pour ôter les vies que pour les sauver.

Il avait terminé. Il posa sa tête sur la poitrine du bel homme, encore inconscient. Son cœur battait toujours. Légèrement faiblement mais il battait. Il avait dû recevoir un choc énorme pour en être encore inconscient malgré la douleur de l'opération non anesthésiée. Il ne pouvait pas l'amener à l'hôpital à cause de la mentalité des gens de Termina, qui l'examineraient plus comme un cobaye que pour le sauver. Il décida de se rendre au plus discrètement possible à la source des fées du coin afin de le guérir au mieux possible, et lui donner plus de chances de s'en sortir vivant. S'il mourrait, Adelaïs ne s'en remettrait peut-être jamais... D'autant plus qu'il a combattu dans le but de la protéger. Son cœur était noble, et ne méritait pas de s'arrêter ainsi maintenant.

Le soleil commençait à se coucher, il devait faire vite, les rayons de la pleine Lune le rendrait bestial, sauf si quelqu'un de conscient et non malsain tenait sa Croix à ce moment là. Il avait compté sur Adelaïs, mais maintenant elle combattait seule. Il remarqua au passage que son Sabre n'était pas retombé, il pria à nouveau pour qu'Adel l'ait en sa possession, et qu'il l'aide au mieux possible. Il hissa Neil sur son dos après avoir caché son sac dans une tombe, et commença à dévaler le cimetière, Shadow courant derrière lui.

Elle doit revenir avant la nuit... Faites qu'elle revienne vivante avant cette putain de nuit !!!

Il arriva à la source, sentant la chaleur humide de l'eau chaude en pénétrant la grotte. Il s'empressa de s'enfoncer dedans et d'arriver face à la source éclairée par la lueur des fées. Il ôta la veste et les chaussures de l'ange, mais n'osa pas retirer son pantalon. Il le trempa ensuite doucement dans l'eau chaude à souhait, jusqu'à ce que seule sa tête soit en dehors de l'eau. Il l'attacha par en dessous des aisselles avec ses ficelles, car il n'avait pas d'autre choix, pour ne pas qu'il coule. L'eau bénite des esprits et l'aura des fées se chargerait maintenant au mieux possible de la régénération de ce corps saint...

Je vous en supplie... Vivez !!!

Vengeance. Vengeance. Vengeance. Ce seul mot remplissait a lui seul la conscience d'Adelais. Elle allait se venger de lui pour ce qu'il lui avait fait. Elle allait se venger pour ce qu'il avait fait à Neil. Elle se vengerait et il mourra. Elle se vengerait et son passé disparaitra. En partie du moins. Dans sa précipitation, elle en avait oublié de prendre ses lames. Elle n'avait que son pouvoir et elle savait que ce n'était pas suffisant. Elle se mordit la lèvre. Qu'allait-elle faire ? Elle ne pouvait rien contre lui, elle n'avait pas la bonne arme, pas les bons yeux. Elle n'était qu'une poussière insinifiante face a lui. C'était le plus dangereux des faucheurs et elle la plus faible des déchus. 

Elle sursauta en entendant le cri de Viken et son sabre filer vers le ciel devant elle. Elle l'attrapa mal au début et se brûla la paume de la main. Étouffant un cri de douleur, elle failli lâcher l'arme mais elle la rattrapa la ou il avait posé son gant.  Maintenant elle avait au moins l'arme. Elle avait une infime chance de l'emporter avec elle si elle devait mourir. Filant comme le vent, elle suivait l'aura de son ennemi de toujours, distinguant progressivement sa silhouette moqueuse à travers les nuages. Elle se mordit la lèvre et poussa un grand cri :

Adelais empoigna fortement l'arme qui n'était pas la sienne, elle se plaça devant lui, volant sur place pour rester à sa hauteur. Même là, elle se sentait inférieure. Elle ne s'inquiétait pas pour Neil, elle le savait entre de bonnes mains. Avait-elle confiance en Viken ? Peut-être. L'ange fixa Maël dans les yeux. Le regard de son ennemi n'avait pas changé, toujours aussi hautain et méprisant avec elle.

Il avait accentué sur le mot ce qui avait mis Adelais en rogne encore plus. Elle allait le réduire en charpie, ici et maintenant. Même si elle devait en mourir.

_ C'est de ta faute si j'ai assassiné mes parents. C'est de ta faute si ma sœur est morte, tu savais que j'allais tenter de te tuer et en lui envoyant les morceaux du cadavre que tu avais tranformés à ton image tu savais qu'elle allait mourir de chagrin et me maudire !

Des larmes coulèrent maintenant sur ses joues. Elle tenait le responsable de son malheur. Là devant elle se tenait le meutrier indirect de toute sa famille. Et elle en était le direct. Ils étaient pareils en fait...

Elle se jetta sur lui, dégringolant de quelques mètres vers le sol.  Ils ne volaient pas très haut et Adelais eut alors un idée. Bien que Maël prenait le dessus, elle parvint à provoquer chez lui l'illusion qu'elle était blessée. Voyant son sourire s'etirer, elle joua les infirmes pour l'attirer encore plus bas et lorsqu'ils furent suffisament bas, elle lui planta le sabre de Viken dans le cœur et le planta directement au sol. Une réaction violente du Faucheur la surprit. Adelais reçu des aiguilles d'ombre partout dans le corps. Son œil droit fut percé. Jamais elle ne retrouverait la vue de ce coté la. Elle s'ecroula au sol tandis que le corps de Maël disparaissait lentement.

 

Apparement, elle n'avait toujours pas trouvé le fil de sa vie. Mais elle l'avait blessé pour un petit moment. Elle était atisfaite en partie de lui avait infligé une douleur semblable à celle de Neil, des filets de sang s'échappant de son œil. Elle était certe borgne mais elle n'avait pas encore perdu la vie. Et sa vengeance durerait le temps qu'il faudra...

Le Pantin tentait de se tenir à l'intérieur de la grotte. Si les pâles rayons caressaient sa peau, si la lueur de la Lune argentée attirait irrésistiblement son regard, il aurait beaucoup de mal à se contrôler... Mais il avait vu peut-être Adelaïs tomber. Et elle était probablement blessée, peut-être morte.

Une solution, merde, il me faut une solution !!!

Une idée lui vint. Il Commença à croiser et recroiser ses ficelles à l'entrée de la caverne. Il le tendit, encore et encore. Jusqu'à presque faire comme une toile d'araignée, avec juste un trou assez grand pour passer une personne de petite carrure. Il était maintenant à quelques centimètres des rayons de Lune. Il avait calculé son coup, il espérait que cela allait marcher comme il le voulait. Il devait se contrôler au maximum. Il avait confiance en ses ficelles, aucune ne pouvait céder, elles étaient indestructibles.

J'ARRIVE, ADEL !!!

Il retira son bandeau, révélant son œil rouge, ses vêtements, ne gardant que le pantalon qui lui, pouvait tenir le coup, et sortit dehors. Sentit les picotements dans tout son corps qu'il ne connaissait que trop bien. Puis la douleur de ses muscles prenant du volume. Beaucoup de volume. Au bout d'un moment, la tête entre ses mains, il hurla sa douleur. Un long hurlement bestial. Une musculature hors du commun, un museau et des oreilles, des griffes acérées, un pelage noir à crinière argentée. Seules ses dents restaient telles qu'elles. Ces dents de loup qu'il avait depuis toujours... Un loup-garou, voilà ce qu'il était. Ses instincts bestiaux prirent le dessus un moment, il s'imaginait déjà déchirer les chairs et les entrailles et broyer les os.

Ade... laïs...

Il reprit rapidement conscience de sa priorité. Shadow, comme à son habitude, était caché dans sa fourrure épaisse, plantant ses griffes dans la nuque du Pantin Lycanthrope pour tenter de le ramener à la raison. Reprenant ses esprits, il e profita pour courir comme un dératé vers le cimetière où avait terminé la chute du Petit Ange.

Ne... Meurs... Pas !!!

Il arriva en quelques secondes seulement devant le cimetière grâce à son puissant corps nocturne. Et là, ce fut déjà presque trop. Il tomba à genoux, tentant de retenir ses instincts sanglants. Il hurla à nouveau, mais cette fois, un nom pouvait clairement se faire distinguer au milieu de ce long cri...

ADELAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAÏS !!!

Le Pantin dans le Loup-Garou avait peine à laisser sa conscience éveillée... Les larmes débordèrent de ses yeux et se perdaient dans son poil.

Je... dois... résister...

Il tendit ses bras épais vers ce qui était un animal il y a une seconde encore. Il reconnu l'Ange, et parvint difficilement à prononcer :

NEEIIIIIIL...

Ses grosses mains vinrent se poser à nouveau sur les côtés de sa tête, qu'il écrasa de toutes les forces qu'il lui restait pour résister à la folie meurtrière. S'il n'arrivait pas à se faire comprendre par ce dernier espoir, il devrait mourir de sa main. Il préférait cela au meurtre d'autres innocents. D'autres amis... Un filet de sang coulait de ses tempes où s'enfonçaient ses griffes tranchantes.

Sauver... Ad... el... Ma Croix... est... mon es... prit... Vite !!!

Le temps pressait, les Effrois ne tarderaient pas à faire leur apparition. Il beugla à nouveau de douleur, s'enfonçant maintenant ses ongles animaux dans son torse avant, pour résister mieux, d'attraper ses ficelles tendues, et se les enrouler difficilement autour du cou. S'il coupait sa respiration assez longtemps, il s'évanouirait, laissant le temps à Neil de comprendre et d'aller s'emparer de sa Croix... Ainsi, ils n'auraient plus rien à craindre de lui. S'étranglant salement, il hurla une dernière fois.

VITE !!! LA SOURCE !!! JE SUIS... LE... PANTIN !!!

A présent, ses jambes étaient hors de contrôle. Il fit un dernier effort pour commander à ses ficelles de se rétracter, ce qui le renversa en arrière, pendant que ses pattes résistaient à l'attraction en raclant le sol. Sa vision commençait à se faire floue par moments. Sa longue langue pointue sortait obscènement de sa bouche, perdant des filets de bave épaisse. Il perdait peu à peu le contrôle...

Neil... Ma confiance... Repose en toi...