Douce soirée

Calme.

Appuyé contre le muret d'une terrasse élevée du bastion, Ephraim ne pensait à rien. Le château était en effervescence, à cause de la fête de l'oasis. Pour célébrer la prospérité du désert qui pourrait devenir hostile à chaque instant, les habitants buvaient, mangeaient, dansaient pendant toute une nuit.

Même s'il aimait cette fête, Ephraim avait choisi de rester au calme ce soir-là. Il espérait, en humant l'air du désert retrouver la paix. Et pourtant il n'y arrivait pas. Il ne parvenait pas à comprendre. Tout allait bien pour lui, alors pourquoi ce malaise ? Il monta sur le muret. Heureusement il avait un bon équilibre, car il risquait de faire une chute assez longue pour être mortelle s'il tombait. Il ferma les yeux. Quelle réponse existait-il à ses questions ?

Il entendit quelqu'un ouvrir la porte menant à la terrasse. Il voulut se retourner pour voir qui arrivait, en oubliant complètement qu'il était sur un muret assez fin. Il perdit l'équilibre, et en pliant les jambes réussit à se rattrapper in extremis, la tête dans le vide. Il ne put s'empêcher de se trouver stupide quand il entendit le rire de Mya.

Ephraim : Ro ça va hein...

Tant bien que mal il remonta sur la terrasse et prit Mya dans ses bras. Ils pensaient que leur enfant arriverait bientôt et c'est pourquoi il lui avait conseillé de se reposer, mais évidemment elle n'en faisait qu'à sa tête... Pour le plus grand bonheur de son époux.

L'impératrice d'Assilfenn avait à peine ouvert la porte qu'Ephraim bascula. Trouvant la scène désopilante, Mya ne put s'empêcher de s'esclaffer. Elle aimait tendrement son époux. Mais il lui arrivait d'être tellement maladroit, parfois... Ce qui n'était d'ailleurs pas pour déplaire à la jeune femme puisque cela lui permettait de franches rigolades.

- Eh bien ! Pour un empereur, je te trouve un peu facile à surprendre, dit elle d'un ton moqueur. Si j'avais été un ennemi... c'en était fini de toi !

Puis elle éclata d'un rire cristallin, en observant la mine déconfite de son mari. Elle l'embrassa ensuite tendrement, dessinant un sourire sur le visage de l'empereur du vent. Celui-ci fronça brusquement les sourcils, stoppant toute la magie de l'instant.

- Quant-à toi, tu devrais être allongée dans notre chambre, lui répondit-il d'un air soucieux. Shaoran va bientôt naitre et je...

Mais l'assassin lui coupa la parole en l'embrassant, ce à quoi le jeune homme ne put se soustraire.

- Ne t'en fais pas pour moi, d'accord ? Je vais très bien. Et puis, tu ne sais pas ce que c'est que de devoir rester enfermé dans une chambre toute la journée... Avec des personnes qui te surveillent tout le temps ! Je n'en pouvais plus ! J'avais l'impression d'être un animal en cage.
Alors je me suis... éclipsée, diront nous... ajouta-t-elle d'un air espiègle.

Ephraim sourit et l'assassin sut qu'elle avait gagné ! Elle pourrait donc rester à ses côtés et en était ravie. Ses sujets avaient beaucoup trop tendance à la vouloir allongée sur son lit plutôt que de seconder son époux dans toutes ses affaires importantes. Mya n'avait pas l'habitude de cette oisiveté permanente qui lui était demandé et ne souhaitait pas l'accepter.
L'empereur se pencha vers sa femme et caressa son ventre qui avait bien grossit. Encore quelques jours à attendre et...
La porte s'ouvrit brusquement.

- Votre majesté ! Vous voilà enfin ! cria une servante qui se précipita sur elle. Vous ne devriez pas être debout. Retournez vite vous allonger. Vous nous avez fait peur à vous échapper comme cela et...

Ephraim : Ca va Obito. Elle prend l'air, ça lui fait du bien aussi.

Obito : Mais...

Ephraim : Va plutôt empêcher ta femme de vider toutes les bouteilles qui lui tombent sous la main, veux-tu ?

L'air dépité, le servant repartit et, peut-être suivit le conseil de son empereur, mais personne ne le sut jamais.
Ephraim regarda longuement Mya. Elle vivait plutôt bien sa grossesse. Tellement bien que certains soldats se demandaient même si leur femme respectives n'exagéraient pas juste pour les rendre dingues. Ephraim lui même avait toujours du mal à réaliser ce qui se passait. Peu de temps auparavant, il était totalement désinvolte et se fichait de la vie. Et maintenant il était marié et aurait bientôt un enfant... C'est ce que les gens devaient appeller " grandir ".
Il serra Mya contre lui. Il se sentait juste bien. Rien d'autre.
Ils finirent par s'asseoir car malgré tout ce qu'elle pouvait prétendre, Mya était sérieusement fatiguée. De plus, bien qu'elle faisait tout pour le cacher elle avait clairement des nausées. Ephraim lui serrait nerveusement la main. Il ne savait pas du tout quoi faire dans ce genre de situations. En effet, ça ne lui arrivait pas souvent d'être enceinte et il ne connaissait donc rien sur le sujet. Par contre son instinct surnaturel lui permettait d'être quasi-sûr qu'il allait morfler. Mya reprit du poil de la bête et son époux en profita pour l'embrasser allègrement. Tout était tellement confus... Comme d'habitude en fait.

- Mon chéri... commença Mya.

Le jeune empereur se tourna vers elle, ce qui la fit s'arrêter. Elle inspira, expira, essayant de ne pas rougir. Mais le regard perçant de son époux la troublait. La jeune femme ferma les yeux un moment et reprit.

- Connaitrais tu l'existence d'une... espèce de dague ou je n'sais trop quoi, dit d'un air détaché.

Comme son mari ne voyait apparemment pas de quoi elle parlait à son haussement de sourcils, elle poursuivit.

- Une dague sur laquelle il y aurait de gravé des zoras... Mais, je ne sais rien de plus, ajouta-t-elle pour lever le doute quant-à sa mission.

Elle était peut-être impératrice d'Assilfenn et épouse d'Ephraim. Mais elle avait avant tout juré fidélité à Iker ainsi qu'à la guilde Moordenaar. Elle ne laisserait donc rien, même pas son amour pour son mari, gâcher les plans de son très respecté chef.

Il soupira, se leva et alla s'appuyer contre un muret, scrutant l'horizon.

Ephraim : La dague Zwemmer, arme antique des héros zoras, d'une valeur inestimable... Oh elle est également convoitée par Iker, mais ce n'est qu'une coïncidence, n'est-ce pas ?

Il marqua une pause. Il savait qu'un jour cela arriverait, et qu'il devrait choisir entre sa femme et ses reponsabilités... Pourquoi tout était-il si complexe ?! Il détestait être empereur... S'il avait pris ce rôle, c'était uniquement par concours de circonstances, même s'il savait qu'actuellement lui seul pouvait mener l'Empire d'Assilfenn, il détestait ça.
Il ferma les yeux, pour tenter de se concentrer. Il ne pouvait pas donner le fragment à Mya... Ca revenait à trahir tous ceux qui lui avaient fait confiance en voulant de lui comme empereur.

Ephraim : Je peux pas te la donner. J'ai des responsabilités tu sais. Je sais même pas ce qu'Iker veut en faire ! Tu sais pourquoi ce morceau de dague est important ? Parce que c'est la garantie qu'Iker ne tentera rien contre Assilfenn, par peur d'abîmer son trésor. Il sait très bien que ses hommes de l'ombre n'égalisent pas les miens. C'est pour ça qu'il t'as demandé de me la soutirer, pour utiliser un moyen plus " facile ", c'est ça ?

Il se mordit nerveusement la lèvre. Quel intérêt à tout ça ? Mya s'approcha de lui, mais avant qu'elle n'ai pu dire un mot, Ephraim lâcha un bref " désolé " et partit en courant de la terrasse.

Mya fronça les sourcils. Il n'était pas question que ce fragment lui échappe. Elle regarda s'éloigner Ephraim. Elle n'en attendait pas moins de la part de son époux. Il avait refusé, et c'était bien. Il pensait à son peuple avant tout. Mais cela ne facilitait pas la tâche de la jeune femme... Surtout qu'avec un ventre pareil, elle ne pouvait pas faire grand chose. Et elle ne voulait pas que son enfant soit touché.
Elle resta quelques instants à méditer à la fenêtre puis retourna dans ses appartements. Son époux dormait déjà. Elle se surprit à penser qu'il avait vraiment toute l'élégance d'un empereur. Mya caressa la joue de son mari et celui-ci sourit en sentant la présence de sa femme à ses côtés. Elle s'allongea près de lui et il la serra dans ses bras puis se rendormit. La jeune impératrice posa sa tête contre le torse d'Ephraim et ferma à son tour les yeux. Elle avait déjà prévu ce qu'elle allait faire, et elle voulait prendre un peu de repos avant le voyage qu'elle allait entreprendre. Mais elle souhaitait surtout profiter de ces derniers instants avec l'homme qu'elle aimait, puisqu'elle savait qu'elle ne le reverrait pas avant longtemps par la suite...

Quelques heures plus tard à peine, Mya se leva, jeta un dernier regard à l'empereur du vent, s'habilla, et sortit de leur chambre.
Non seulement les couloirs du château étaient frais, mais l'impératrice voulait surtout éviter qu'on la repère, c'est pourquoi elle s'enroula dans sa cape de voyage. L'assassin courut sans faire le moindre bruit dans la direction que le fragment qu'elle avait en sa possession lui indiquait. Arrivant dans les souterrains, la jeune femme accéléra le pas, puisqu'il y faisait encore plus froid que dans les couloirs. Elle arriva alors à une porte verrouillée. Mya sortit ses ustensiles qui ne la quittaient jamais et entreprit de forcer la serrure, ce qu'elle fit... avec succès. Ravie de de constater qu'elle n'avait pas perdu la main, elle s'engouffra dans l'entrebâillement de la porte et découvrit avec étonnement un vieux coffre poussiéreux. L'impératrice fractura le coffre à l'aide de l'un de ses instruments et un nuage de poussière sortit du coffre. L'assassin toussa, puis chercha dans le fameux coffre ce qu'elle désirait. Rien ! Juste quelques objets, usés par le temps. Pourtant, la poignée lui désignait bien le coffre inutile et poussiéreux.
La tueuse réfléchit. Il devait certainement y avoir une espèce de double fond. Elle lacéra donc le fond du coffre à l'aide de sa propre dague et retira le bois fendu. Gagné ! Elle prit le fragment de dague qui s'y trouvait. Il s'emboitait parfaitement avec celui qu'Iker lui avait donné. Satisfaite, la jeune femme se dirigea vers la sortie du château en courant.
Elle scella son cheval et partit au galop retrouver son chef, avec un léger sentiment de culpabilité.