Deux pour le prix d'un

Le soleil se levait lentement sur le domaine Zora et j'étais en train d'empaqueter mes affaires. Le vent soufflait légèrement et le brise rabattait sans cesse ma cape sur mon corps. J'aimais cette étrange sensation que l'on a avant de se lancer dans une aventure, l'excitation mêlée à la peur de l'échec. Je respirais l'odeur du lac qui s'entrelacait avec celle de mon petit festin matinal.

J'effacais mes traces et dispersais les cendres de mon feu. Je reflechissais à ce que j'allais faire, le soleil epousant mon visage, les yeux fermés. Je me relevais et rabattais ma capuche sur le visage. Alors que le vent s'intensifiait, je la sentis arriver.

Es tu prête ?

Uryan souriait. Elle était arrivée sur les lieux du point de rencontre à peine plus bruyante que le souffle du vent. Et lui, sans se retourner ni même montrer de la surprise quant à sa discrétion, l'avait accueilli spontanément d'un « Es-tu prête ? ».

Prête ? Ça elle l'était. Depuis le temps où elle avait reçu l'ordre de mission par un étrange messager, avait précipitamment quitté sa mission actuelle dans la zone Goron, s'était mise en route tout en se permettant que très peu de répit, l'appréhension de cette mission avait totalement disparu. La crainte avait laissé place à la fièvre du danger mêlée à l'euphorie de le revoir, ce qui donnait un spectacle assez impressionnant à visionner. Quiconque l'aurait détournée ne serait-ce qu'un instant de son itinéraire n'aurait su que s'attirer les foudres impitoyables d'une jeune femme agitée. Malgré la distance moyennement conséquente qu'elle devait parcourir, le chemin du Mont du Péril jusqu'au Domaine Zora lui avait paru interminable, beaucoup trop long. Un véritable supplice.

Son destrier à bout de souffle par cette course effrénée, vagabondait désormais à l'entrée du domaine. Ce n'était plus un souci pour elle.
Faisant comme si il ne s'était pas rendu compte de sa présence, la jeune femme, toujours à pas discrets, continua son avancée. Arrivée à quelques centimètres derrière Véhéfin, elle s'arrêta. Puis, prise d'un élan soudain et incontrôlable elle l'enserra. Ses mains formées en griffes s'étaient naturellement posées sur son torse et, la tête enfouie contre son dos, Uryan ne bougeait plus.

- De nouveau nous ne faisons plus qu'un.

Je ne bougeais pas durant son étreinte et la laissais pleinement profiter du moment. je lui indiquais que je partageais ce moment avec elle en posant une main chaleureuse sur les siennes et j'attendais qu'elle termine son étreinte avant de me retourner fa ce à elle. Encore une fois, son visage et sa beauté ne purent que me faire sourire et j'avais surement l'air d'un idiot à ainsi la dévisager. Cela faisait presque une éternité que je ne l'avais pas vue, et encore moins touchée.

Je touchais son menton délicatement de ma main et déposais un tendre baiser sur ses lèvres si douces. Je m'écartais ensuite d'elle et reprenais tout mon sérieux. Comme elle se plaisait à le dire dans les moments de silence, un ange passa et je sus, rien qu'en la regardant, qu'elle partageait mon excitation et qu'elle n'attendait qu'une chose. Que nous commencions.

- Tu te doutes que pour les besoins de cette
mission, nous ne sommes plus affilié à Assilfenn... Même en tant
qu'Ombre et Prima, nous ne sommes pas invisible. Tu es connu, et grâce
à Dieu, je bénéficie encore un peu de discrétion quand à mon rôle au
sein de l'Empire d'Ephraim.

Je la vis faire un petit geste des yeux. Elle avait réagit, non seulement à notre abandon temporaire de l'empire, mais surtout quand elle comprit, en entendant le nom de l'homme qui m'était surement égal dans son coeur, qu'elle ne pourrait plus le protéger, ni le servir aussi efficacement que jusqu'à cet instant. Je la regardais, mais elle ne réagit pas d'avantage. Elle s'en remettait complètement à moi pour cette mission, et j'en fus un peu désarçonné. C'etait mon initiative, mais je comptais sur sa fougue et sa passion pour prendre les devants, pour partir, presque tête baissée dans le guet apens qui nous tendait les bras.

Le vent souffla comme pour nous souhaiter bonne chance, et la lumière du soleil frappait notre visage avec bénédiction. Il était d'y aller. Je lui fis un geste de la tête et nous partîmes en direction du lac. Elle marchait à mes côtés, mais dans notre attitude, la distance qui s'interpose entre deux tueurs commencait à faire son apparition. Nous étions la pour tuer, mais malgré cela, chaque effleurement de nos mains durant le chemin nous rapprochait de plus en plus.

Des rayons éparses de la nouvelle aube jouait comme à chaque fois au travers des branches d'arbres bordant le chemin en direction du lac. C'est sûrement de cette vision angélique que naissait un étrange sentiment de légèreté, pourtant contradictoire à une mission consistant à étouffer la vie même. Prenait-elle alors goût à l'assassinat ? Non. A mettre de côté Assilfenn peut-être ? Sûrement pas. Quoi d'autre ? Une chose qu'il était difficile -encore aujourd'hui- d'admettre, à elle, à lui.

*Et pourtant plus de doute possible.*

Quelle confiance ! Quelle assurance ! Elle qui pendant des années ne comptait que sur ses propres réflexions et actes tout en ayant toutefois des doutes sur elle-même, accordait désormais sa pleine foi en une personne. C'était donc ça. Oui c'était cela, le résultat d'aimer et d'être aimé en retour.
Elle frissonna. Fait qui s'accentuait par moment, c'est à dire à chaque fois que sa peau effleurait celle de Véhéfin.
Des questions fusèrent en elle.
Devait-elle devenir plus distante pour accomplir au mieux la mission ? Ou au contraire être plus proche de lui, pour ne faire qu'une sorte d'unité solidement liée ?

*La seconde solution me semble la meilleure.* C'est ce que Uryan se disait tout en joignant ses doigts à la main gauche de Véhéfin.

Un problème de réglé.
Maintenant en venait un autre. En effet, arrivés enfin au lac Hylia il fallait qu'ils trouvent l'entrée du repère Moordenaar. Désormais c'était le plus difficile à résoudre. Difficile mais pas impossible. C'était déjà ce qu'elle s'était dit au moment où elle s'était rendu compte que son identité et donc son apparence, poserait un souci pour cette mission discrète. Elle, l'Ombre de l'empereur d'Assilfenn, discrète ? Beaucoup la connaissait surtout pour ses frasques pendant les combats. Il n'y avait donc rien d'étonnant à ce qu'elle se soit vêtue différemment, ni même qu'elle ai modifié quelques détails physiques.
Elle avait délaissé ses habituels jupons azur et indigo pour une tunique de lin aux manches longues lui arrivant mi-cuisse, ayant pour seul motif un croissant et une fleur de lys entrelacés, brodé à l'endroit du cœur. Cette tunique était passée au dessus de ce qui ressemblait le plus à un pantalon, rehaussé de longues bottes de cuir noir. Tout ceci dans des teintes ocre rouge, brun et marron. Quant à ses cheveux elle n'avait su que les dissimuler au mieux par un tissu noir, laissant quelques mèches ci et là s'échapper sur son front.
Ils avaient aussi décidé d'un commun accord qu'elle porterait un masque qu'ils justifieraient par l'apparence horrible et maladive dont elle serait la pauvre victime. Un masque plutôt simple. Un blanc opalin suggérant encore un peu plus un mauvais état de santé. Les seules couleurs étaient deux traits rouges sang partant des yeux pour s'arrêter aux coins où devait se trouver normalement la bouche.

Elle y repensait vaguement au moment où elle libéra la main de Véhéfin pour se diriger aux abords de l'étendue d'eau. Ainsi prostrée elle prit le fameux masque à sa ceinture, pour ensuite se ganter, accentuant encore plus son état de malade. Ensuite elle alla vers le pont qui se terminnait sur une petite île, sortant son épée accrochée à la taille. Elle tourna le visage vers lui, un sourire mi-figue mi-raisin pendu à ses lèvres qui s'éteignit rapidement quand elle se rendit compte qu'il ne pouvait rien voir. Alors elle lui parla juste avant de continuer son chemin tout tracé.

- On ne sait jamais.

Uryan restait Uryan, même sous le masque.