La recherche.

Cela faisait un petit moment qu'Uryan avait quitté ce lieu. Un lieu qui l'avait marqué, lui rappelant des souvenirs qu'elle croyait effacés ou lointains. Elle y repensait encore, maintenant qu'elle venait de pénétrer dans la vallée Gérudo. Oui. Elle pensait à ce qu'elle y avait fait, aux conséquences inévitables de ses actes.
Pensées…

Tel le stigmate de la mort, la guerrière avait aperçut de sombres fumées provenant d'un village. Ni une ni deux et par la célérité du destrier qu'elle s'était procuré auprès d'un jeune homme étrange, elle avait galopé en direction des inquiétants signaux. Ce qu'elle avait vu n'était qu'une sorte de répétion de ce qu'elle avait vécu dans son enfance. Demeures paysannes calcinées, certaines encore enflammées par endroit, laissaient apparaître les formes squelettiques des charpentes.
Dans une prudente progression, l'épée au clair, Uryan avait tout observé; corps abandonnés dans des positions déconcertantes ainsi que les expressions de ces cadavres. Apparemment il n'y avait eut aucun survivant, animal ou humain. Mais Uryan, comme à son habitude était restée prudente. S'attendant à voir surgir une de ces silhouettes masculines qui hantait encore ces rêves, la jeune femme avait serré les dents, presque avec rage, tout comme la garde de son arme.
Vengeance.
Voila le seul mot qui s'était répercuté contre les parois de son esprit à ce moment. Le seul qui lui avait inspiré autant de colère et de courage pour parcourir les restes sinistres du village dévasté. Un mot pour une action. C'est ce que s'était dit Uryan lorsqu'elle avait aperçut très clairement la présence d'une personne dans son dos. Il fallait agir vite. 'Tuer avant d'être tué'; nouvelle devise d'une guerrière aveuglée par l'envie de revanche. Sans faire appel à une réflexion plus poussée, la combattante avait agit.

Ce fut seulement quand Uryan vit un visage aux traits d'enfant que son ressentiment s'était apaisé aussi soudainement qu'il s'était insinué. A sa place, une puissante révulsion s'était installée en elle, à la manière d'un poison incurable.
Il était posté là, quasi immobile, le visage écorché et souillé. Lui petit être au corps frêle, survivant de tout ce massacre. Et qu'avait-elle fait ? Elle, qui s'était promis de ne plus dépasser ses limites. Elle, qui soi-disant, se battait pour sauver quiconque victime de l'animalité des hommes. Uryan, avait tué un innocent. Son sang s'était répandu lentement, coulant de son épée enfoncée dans le petit abdomen qui bougeait faiblement. Ce chaud liquide rouge toujours coulant, avait suinté jusqu'à la main tremblante de la jeune femme.
Avec un air de profond dégoût, elle avait retiré son arme, le plus délicatement possible, ce qui n'avait pas empêché un cri de souffrance de s'enfuir de la bouche du jeune paysan. Uryan, ne savait plus que faire, mais elle avait pris le corps du garçon qui s'était effondré aussitôt l'épée enlevée.
Un faible mot était sorti de sa gorge, lors de son dernier soupir: 'désolé'.

Les digues de sang froid depuis longtemps rompues, Uryan était restée un long moment dans la même position; la dépouille sans vie du rejeton à peine âgé de sept ans, étroitement serré dans ses bras, Uryan, les genoux pliés sous elle, avait enfui son visage dans les méandres reculés de tissus et de pensées morbides.
D'abord il fallait l'enterré… tout comme elle l'avait fait pour sa défunte camarade Crépuscule. Puis quitter ce qui restait de village. Ensuite… Ensuite quoi ? La mort, peut-être. Pas pour un nouvel innocent, mais pour elle. Quelle autre expiation possible et plus méritante que celle-là ? La guerrière n'en avait vu aucune.
Elle avait donc donné une sépulture des plus convenables à l'enfant, nettoyé rapidement le sang caillé de son épée et attendu d'un regard vide une façon de mettre fin à son existence. L'idée n'était pas venue, mais à la place, elle avait aperçut une nouvelle silhouette, à moitié cachée par le reste d'un chariot. Accompagnée d'un regard apeuré presque haineux, une fillette l'avait ainsi observé. D'après ses traits physiques, Uryan avait tout de suite fait le lien avec le garçon. Ce dernier devait être une personne de la famille de la nouvelle venue qui
avait malheureusement assisté à sa mort.
Malgré la rage qu'on pouvait lire dans ses yeux humides, la jeune fille s'était enfuie dès qu'Uryan avait posé son regard sur elle, craignant sûrement de subir le même sort.

-Attend, ne va pas par là c'est dangereux !

En disant ces mots, Uryan avait suivi la fillette des yeux se diriger vers ce qui semblait être la vallée Gérudo.
Avec beaucoup de difficultés qui lui avaient fait perdre du temps, utile à la recherche de la jeune adolescente, Uryan avait enfourché son cheval. Ayant de ce fait mis de côté sa pulsion de mort, la guerrière s'était elle-même fournie une raison de vivre.

*

Tout cela pour venir à l'aide d'une fillette attristée, faible et totalement sans défense dans le monde bien sombre et sans pitié qu'était Hyrule, Uryan pénétrait ainsi sur les terres Gérudo.

Drake: Ephraim-sama! Pourquoi vous...
Ephraim: Tais-toi.

Le jeune Empereur était à genoux, les mains jointes. Au milieu d'un village dévasté. Autour de lui étaient amassés des corps, des enfants, des adultes... Des rêves, des espoirs, des craintes et des amours dissipés en un éclair par la dureté de la vie.

Ephraim: Saintes Déesses, pardonnez à ces victimes leurs pêchés, accueuillez les auprès de vous et faites que leur existence devienne heureuse.

Il se releva. Ce n'était pas grand-chose, mais il se sentait obligé de le faire. Pour eux, morts par la cupidité d'autres. Ephraim ordonna aux soldats peu nombreux avec lui de chercher les survivants et de les amener au château d'Assilfenn. Perdu dans ses pensées, il repartit dans la vallée gérudo. Soudainement, une fillette se cogna contre lui. Ephraim recula de quelques pas. La fillette tomba au sol. Elle était essouflée, ses vêtements déchirés par endroits et son corps couvert d'écorchures. En quelques secondes, il la reconnut. C'était une fillette du village dévasté, une fille de marchand qui aidait sa mère pour le commerce. Elle reconnut elle aussi l'Empereur, et prise de sanglots lui sauta dans les bras. Pendant plusieurs minutes, ils ne dirent mot, laissant juste le requiem des sanglots longs de la fillette assombrir la clarté de la nuit. Après cela, la fillette décrivit à Ephraim une partie de l'horreur commise, en terminant par l'assassinat de son frère par une femme belle mais très méchante, qui l'avait couvert de sang et l'avait fait beaucoup crier. Ephraim ferma les yeux, serrant la fillette contre lui, tentant de la consoler. Pourquoi de si jeunes yeux étaient exposés à tant d'horreurs? Prenant la fillette sur ses épaules, Ephraim se mit à marcher. Brusquement devant eux s'arrêta une cavalière. C'était Uryan.

Le vent balayait l'amertume des plaines dans une odeur de souffre. Une bourrasque vint éffleurer le visage de l'empereur. Cette situation lui rappelait tant de souvenirs qu'il avait tenté d'oublier... La situation était sans appel. Doucement, mais fermement, il saisit l'épée d'Uryan et l'approcha de son cou. Du bout de la lame, il la força à lever la tête, en lui faisant au passage une entaille. Il la fixa dans les yeux, plantant profondément son regard dans celui de la jeune fille.

Ephraim: Lâche.

Il avait prononcé ce mot si sèchement qu'on aurait pu ne pas le reconnaitre.

Ephraim: Tu as répandu le sang, tu en es venu à te considérer comme un monstre. Tu as perdu le désir de vivre. Je n'ai aucune raison de te laisser respirer.

Alors il leva l'épée, et avec force il la jeta; il la jeta si loin qu'on ne put voir où elle atterit.

Ephraim: Mais tu n'es pas mauvaise. Tu a été victime, et en souffrant tu as répandu la souffrance. Alors aujourd'hui, je te laisse à la vie. N'essaie pas de retrouver ton épée. Forges-en une autre, dans l'espoir et l'amour de tes idéaux. Quand à cette jeune fille, désormais elle sera ta soeur. Traites-la comme tel, apprends-lui à se défendre mais ne l'entraines pas dans la voie de la guerre: seul elle devra décider sereinement.

Le vent cessa de balayer les plaines, leur offrant juste sa douce caresse. L'amertume laissa place à la serenité.

Le sang coulait doucement. Cette fois-ci ce n'était pas celui d'un autre innocent mais bien le sien. En une légère coulure son sang descendait de son cou pour aller s'arrêter dans les tissus de sa tunique, maintenant sommairement mouchetée de rouge. Mais pour Uryan cette légère blessure physique n'était rien comparée à la douleur qu'elle ressentait de son acte meurtrier. Souffrance qui sembla furtivement passer dans le regard intense que l'empereur lui adressa.

Absorbant les mots d'Ephraim comme le dernier souffle de la vie, Uryan avait fermé les yeux au moment où l'épée était censée continuer sa progression. Et pourtant celle-ci n'en fit rien et partit s'enfoncer dans on ne sait quelle profondeurs.
Alors il l'avait donc épargnée…
La guerrière écoutait les paroles qui suivirent ce geste qui l'étonnait sans pour autant se relever, toujours les genoux au sol mais la tête baissée. Ainsi dans cette position personne ne pouvait voir l'expression de son visage. Ces traits sous l'impact des mots d'Ephraim s'étaient figés dans uns sorte de grimace, allant de la surprise aux remords. Comment pouvait-il encore épargner un individu comme elle, ayant aveuglément agi et ainsi tué ? Allait-elle au moins être capable de pouvoir regarder les yeux dans les yeux la fillette dont elle avait maintenant la garde ? Et puis son coeur se remplissait de tristesse au souvenir de tant de choses. Comment ne pas sombrer ? Comment de nouveau aimer et être aimée ? La jeune adolescente était peut être la réponse tant espérée à toutes ces interrogations.
Prenant grandement sur elle, Uryan releva la tête, un air plus ou moins serein figé sur ses traits, mais sans la moindre trace de sourire. Là elle pu, remarquer que l'empereur s'était radouci et donc elle osa le fixer mais toujours avec réserve.
Progressivement Uryan se remit sur ses deux jambes un peu tremblantes, secoua la tête comme si quelque chose la gênait pour enfin laisser ses cheveux jouer librement avec le vent. Sur ces derniers mouvements elle osa s'approcher un peu plus de son supérieur. C'est d'une voix un peu hachée qu'elle prit enfin la parole, se frottant doucement le cou.

- Certains actes ne sont pas pardonnables mais d'autres sont largement admirables… J'ai moi-même non seulement tué mais par-dessous tout un être innocent. Quant à vous, auquel j'ai donné ma vie, vous avez décidé de me la laisser. Il est donc certain que je m'acquitterai de la tache devenue maintenant la mienne par votre biais; celle de me conduire en tant que sœur et qui plus est exemplaire auprès de la seule témoin de mon meurtre.

Sans vraiment donner de suite à ses idées, la jeune guerrière s'avança auprès de la fillette désormais accrochée à une des jambes d'Ephraim. Affrontant une peur naissante de se trouver face à elle, Uryan se baissa à sa hauteur et se plongea ainsi dans des yeux vert jade.

- Ce n'est pas le pardon que je viens chercher car de toute façon je ne le mérite aucunement, mais une raison de vivre. Et étrangement, c'est toi.

Uryan fit une pause, croyant que la fillette allait parler. Au dernier moment où la guerrière souhaitait l'encourager, la jeune fille bafouilla quelques mots suivit d'un nom qui semblait être celui la désignant.

- Ainsi tu te nommes Galatéa… Un prénom qui peut dire bien des choses.

Enfin Uryan pu sourire. Les paroles, mêmes minimes de Galatéa l'encourageaient sur sa nouvelle voie. Tout cela grâce à son empereur.

- Empereur Ephraim… comment pourrais-je un jour vous rendre la pareille. Je ne le sais. Mais les choses dont je suis sûr, c'est de vous être éternellement reconnaissante et à votre entière disposition, à la moindre occasion et ce pour n'importe quel sujet.

Uryan inclina la tête, les yeux mis clos pour montrer son profond respect au jeune empereur à ses côtés.

- A t-il un lieu convenable où Galatéa pourrait se débarbouiller, se restaurer et également se reposer ?

Elle nu pas besoin d'attendre plus longtemps que l'empereur lui fit signe de le suivre. C'est ce qu'elle fit.