Le sanctuaire des âmes égarées

Et finalement elle était de retour sur le chemin conduisant au Sanctuaire des Âmes. Or, cette fois elle n'était plus seule. Itachie était là.
Ils devaient tous les deux affronter quelque chose qu'ils ignoraient, un mal éternel. Peut-être était-ce Morceur, comme celui de la légende.
Désormais ils étaient à la recherche d'une relique portant le nom de Gong des Âmes. Finalement ils possédaient très peu d'informations sur ce nouveau périple. Mais Uryan de nouveau se sentit furieusement attirée par ce lieu. Pourtant c'était différent de l'appel qui l'avait happée jusqu'au sein du Sanctuaire. Cette fois il y avait presque comme un air de menace dans la voix qui l'appelait, ce qui n'empêchait pas son profond désir d'y retourner. Bien au contraire.

Le doute. Cet élément sournois toujours à naître quand il ne le fallait pas. C'est ce sentiment qui se diffusait depuis un moment et qui finalement prenait de plus en plus le pas sur son sang froid. Une impression qui prit un nouveau degrès lorsque Itachie lui-même exprima son appréhension quant à la suite de la quête. Elle tenta de la rassurer sans en être convaincu elle-même.
D'un sourire il lui redonna confiance.
C'est donc d'un pas sûr qu'elle entreprit la traversée du pont.
Ils marchaient lentement. Trop lentement. Ce pont passait au dessus d'une simple rivière et pourtant il semblait être interminable. Et ils continuaient leur route, persuadés d'arriver un moment ou un autre sur l'autre rive, un peu à la manière d'un enfant courant vainement vers un arc-en-ciel. Pour rajouter à l'étrangeté de la situation, une brume épaisse s'était perfidement abbatue sur eux. Pourtant ils ne s'étaient rendus compte de rien jusqu'au moment où ils stoppèrent enfin leur "progression".
Uryan se retourna et d'une main toucha l'épaule d'Itachie. Son timbre de voix était déterminée comme avant chaque combat.

- N'est-ce pas l'ennemi invisible et discret que nous attendions ?

Elle marquât une pause puis reprit d'un air soudainement las et d'une voix quasi éteinte.

- Je... je crois que je vais m'allonger un peu. Là. Oui là se sera parfait.

Elle joignit le geste à la parole. Son corps devint nonchalant, ses mains lachèrent son contact avec Itachie tout comme la garde de son épée. Puis elle s'approchat de la paroi du pont de pierre. Là elle s'y adossa. Dans un faible sourire Uryan ferma les yeux et le sol commença à trembler.

Ephraim marchait sans hâte dans la nuit. Un prêtre, un certain Père Marianne, était venu le voir. Il lui avait dit avoir agit sans réflexion aucune et de par cette nonchalance, avait précipité deux de ses soldats vers une mort certaine. Dans un premier temps, Ephraim n’avait cru le prêtre. Il voyait des allumés de ce genre tous les jours. Mais il se laissa ronger par la curiosité et partit vers le lieu qu’on appelait « le sanctuaire des âmes « .

Il avait déjà entendu ce nom quelque part. Dans certains vieux livres récoltés par Assilfenn et aussi dans la bouche d’Uryan. Il l’avait déjà entendu murmurer le nom de ce lieu quand elle avait de accès de fièvre après avoir repoussé le démon qui la dévorait de l’intérieur. C’était ce souvenir qui l’avait poussé à suivre les conseils du Père Marianne.
Il arriva enfin au lieu indiqué. Une brume épaisse réduisait son champ de vision. Il l’écarta d’un simple courant d’air chaud, et avança d’un pas soutenu. Il aperçu au bout de quelques heures un bivouac de fortune. Il s’en approcha et vit avec horreur Itachie baignant dans son sang et Uryan inconsciente. La première pensée qui lui vint à l’esprit fut qu’Uryan avait perdu le contrôle d’elle-même pour laisser place au démon qui avait dû tuer Itachie. Mais il ne sentait pas l’énergie négative que laissait l’apparition du démon, et le corps d’Uryan n’était pas couvert de runes. Ils avaient donc été attaqués et battus en un éclair, puisque il n’y avait pas de trace de lutte.
Ephraim pansa d’abord les blessures d’Itachie et lui administra un onguent préparé avec soin par les mages d’Assilfenn pour les faire cicatriser plus vite. Une fois assuré de la survie de son disciple, il l’envellopa avec une couverture et le déposa près du feu pour qu’il se remette. Il sonda ensuite les alentours, et une fois qu’il fut certain qu’aucun ennemi ne rôdait près du campement, il prépara un repas pour ses compagnons. Uryan serait certainement réveillée la première et il avait hâte de comprendre comment elle avait été épargnée.

La voix. Elle dictait tout. Elle contrôlait ses pensées, ses actes. Elle savait tout sur Uryan. Ses rêves, ses désirs, ses peurs. Aucun centimètre de son corps et de son esprit n'était pas à sa portée. Et maintenant il savait tout. Son cœur semblait vouloir exploser à tout moment. Peut-être était-ce le seul élément de son organisme à être totalement conscient de ce qui se passait, sans pour autant être capable de s'interposer. Il voulait mais ne pouvait. Il y avait tant de choses qui devaient restées secrètes mais rien n'y faisait. Tout s'échappait. Tout allait à cet homme qui donnait l'impression de s'en nourrir et de la dépouiller. Et cette voix, toujours la même.

«  A moi. Tu es à moi. Toute entière. Aucune échappatoire. Je suis ton sang. Je suis ton air. Je suis toi. »

Et puis tout se déroula soudainement plus vite. Une lame. Un corps. Un geste. Le sang coula pour se répandre au sol.
Il ruisselle. Il pleure. Il meurt.
Plus rien.
La noirceur, le sentiment d'abandon pour seule présence. Et finalement le réveil.

Uryan cligna des yeux. Elle ne vit rien pendant un moment et parvint enfin à discerner une silhouette, puis une autre au sol. Il y avait aussi un feu d'où se dégageait une douce odeur agréable. C'est là qu'une fringale inhabituelle s'empara d'elle. Ses mains glacées tremblaient, ses dents claquaient. Il fallait qu'elle mange et vite.
Sans plus de cérémonie ni de signe faisant comprendre à l'empereur qu'elle l'avait reconnue ne serait-ce qu'un instant, elle se jeta sur ce qui semblait être un genre de gruau dont certains morceaux restaient d'origine inconnue. Après cela elle but tout son saoul.

Uryan resta un moment inerte. Le regard vitreux. Enfin elle posa les yeux sur Itachie puis Ephraim.
Ce fut comme si le brouillard alentour se trouvait dans son esprit. Rien dans sa mémoire sur les deux dernières heures n'était éclairé. Des millier de questions se bousculaient et encore plus quand elle se fondit dans le regard de l'empereur d'Assilfenn. Ce regard qui lui disait de parler, d'expliquer.
Que pouvait-elle dire ? La jeune femme devait se poser autant de questions que Ephraim lui-même, si ce n'est plus.
Alors elle fit ce qu'elle aurait du faire depuis le début.
Elle se prosterna devant lui n'osant plus faire un seul geste.

* Plus là. *

Son corps agissait dans la réalité mais son esprit n'était pas entier comme si cet homme lui en avait ravi quelques morceaux. Volatilisés avec lui. Qu'avait-elle vraiment perdu ? Il est vrai qu'elle sentait ce petit quelque chose en moins mais était-ce un mal ? Uryan releva la tête.
Le vent du nord, glacé. Elle souria, prise d'une soudaine envie de ne plus être ici. Des rêves fleurirent en elle de la même manière qu'un rire d'enfant éclate et nourrit le silence. Elle osbserva ses mains qu'elle sentait gluantes depuis un moment.

- Du sang ? Bêuark.

Aussitôt ces mots elle se les frotta dans l'herbe humide de brume. Elle tourna la tête vers les deux hommes non loin d'elle pour rester un moment l'air totalement hagard, tentant visiblement de se remémorer quelque chose. La jeune femme leur sourit dans un hochement de tête et se releva plus ou moins gauchement. Les jambes tremblantes elle se tint fièrement devant Itachie et Ephraim. Sans prévenir elle les pointa du doigt chacun leur tour.

- Vous z'êtes qui vous deux ? Vous ressemblez à deux bonhommes qui se seraient pris une tempête en pleine face.

Uryan s'accroupit alors pour prendre son élan et se retrouver nez à nez avec Itachie.

- Oh et toi... Toi tu es rudement mignon.

Elle se rapprocha encore plus près. Les yeux équarquillés elle repris la parole.

- Tes joues rougissent. Hihihihi.

C'est dans ce rire enfantin qu'elle entreprit de trottiner autour des deux personnages en une ronde saccadée de petits chants. Ensuite et toujours de façon aussi imprévisible, elle s'accrocha au dos de l'empereur d'Assilfenn dans un " Yeehaa ! " de joie à l'état pur, un bras agrippé au cou d'Ephraim et un autre s'affolant dans les airs.

- Hu dada ! Dada hu ! Emmène-moi aussi loin que tu le peux ! Par monts et par vaux, au delà des plaines et du temps, filons pour ne jamais nous arrêter et...

Son regard se posa sur Itachie.

- Hey ! toi aussi, viens avec nous !

Voyant qu'il hésitait elle lui fit un clin d'oeil en rajoutant :

- Je te laisserai être mon amoureux si tu veux.

Cette Uryan là partit de nouveau dans un rire des plus spontanné et clinquant qu'elle eut donné depuis bien longtemps.

-Je te laisserai être mon amoureux si tu veux.

Ah ces mots Itachie ne put s'empêcher de faire couler une larme de son visage, qu'est-ce qui lui prend,que c'est il passé pendant qu'il était inconscient.
L'empereur tappota l'épaule de son disciple et lui murmurra à voix basse:

-Tu sais on peut rentrer et tenter de savoir pourquoi Uryan est devenue ainsi.
-Non, sans moi; je suis sûr que c'est mon frêre qui est l'auteur de cette *il hésita sur le mot*... malédiction.
-Très bien , mais je ne peut pas me permettre de mettre Uryan en danger.
-Tu veux partir avec elle ... est bien ... fait comme bon te semble je m'en fiche.

Il partit tête basse ,laissant son Empereur et la douce femme derrière lui.
Une fois qu'il fut suffisamment loin, il s'assit lourdement, dos à un majestueux chêne. Il avait le visage contracté et ses yeux ruisselants de larmes à l'idée que sa meilleure amie ne soit devenue enfant pour l'éternité. Il se leva brusquement est cria:

-C'est bon tu es content! Qu'a tu fais à Uryan! Répond moi de suite!
-Ou sinon?

Une ombre se déplaça rapidement derrière l'Ange et en un coup éclair envoya Itachie contre un arbre.Celui-ci se releva et dit avec fureur:

-Je ne sais pas qui tu es mais je m'en moque , si tu ne veux pas me dire ce que tu as fait à Uryan , alors je te le ferais dire de force.

Il dégaina rapidement son sabre et récita une formule , un cercle magique apparut alors au pied du jeune magicien:

-Déesse vénéré,je vous en prie aidez moi à expier mon ennemi de ses péchés , Judgement!

Le ciel se déchira brusquement en deux , rapidement des pluies de faisceau s'abbatirent sur l'homme encapuchonné; un lourd nuage de poussière s'éleva.

-Je vois que tu as appris a te servir un minimum de la magie que tu as hérité , mais ce ne sera pas suffisant je le crains...

L'homme encapuchonné créa avec une grande rapidité un cercle de magie et n'eut pas besoin de formule quelconque, tout à coup des lianes sortirent du sol emprisonnant le magicien de tous mouvements.Le mystérieux combattant s'approcha d'Itachie , et dévoila son vraie visage... Itachie eut peine à en croire de ses yeux , il était vraiment en face de son ... frêre ? Même coupe de cheveux , même yeux , même teint de peau, mais une expression du visage totalement différente...