Souvenirs

Uryan était là. Postée devant une tombe recouverte, par endroit, de mousse et d'autres végétations. Le visage dissimulé par une longue cascade de cheveux, étrangement clairs en ce début de soirée, cachaient ainsi son expression. Quant à ses mains elle traduisaient un peu plus de ce qu'elle ressentait. Collées le long de son corps, on les voyaient parfois tremblées, comme victime d'un quelconque frisson, toujours dans la même posture; l'une fermée en forme de poing et l'autre mise par dessus la première, faisant penser à un coup retenu.
Ici, devant ses yeux fatigués et encore humides, la jeune femme venait souvent tenir compagnie à une personne, qui depuis un temps n'était plus que chairs en décomposition. Sous ses pieds se trouvait le corps de son amie morte, au combat, alors qu'elles se battaient ensemble. Uryan se rappelait d'elle non seulement comme d'une amie mais aussi comme d'un rayon de soleil brûlant malgré la nuit toute proche. Et, tel était son prénom: Crépuscule. Elle était si chaleureuse malgré un caractère bien prononcé. Comment ne pas souffrir d'avoir perdue un être si exceptionnel ? C'était impossible, tout simplement.
C'est ainsi que Uryan vivait désormais avec une partie d'elle en moins, combattant contre cette douleur du à la perte de sa défunte amie.
Après l'enterrement de Crépuscule, Uryan en l'hommage de sa camarade morte au combat, décida d'avoir Crépuscule comme second prénom, mais aussi de porter fièrement son épée.

-Je ne t’oublierais pas…

Dans un murmure quasi imperceptible au milieu d’un vent glacé du nord, Uryan avait adressé une dernière prière à sa complice. Relevant lentement la tête, elle s’essuya d’un geste agressif des sillons blanchâtres laissés sur des joues rosies par l’air, toujours aussi austère.

-J’expierais les fautes du passé, celles qui font que tu trouve là… à ma place.

Sur ces derniers mots prononcés avec plus de force que les autres, la vive jeune femme se retourna, faisant dos à la tombe et contempla le reste du cimetière, éclairé par des lanternes.
Grâce à ce léger mouvement de Uryan, on pu voir clairement une fleur de Lys déposée à même le sol ainsi que des écritures gravées dans la pierre formant le monument mortuaire. Il y était, bien évidement, inscrit le nom de la disparue mais aussi une sorte de poème accompagné d’un dessin, représentant une épée et une rose entremêlées ; tout cela semblant avoir été fraîchement marqués…
Le poème disait ceci :

En cette ultime danse où se joue le hasard,
Tu reste là, avec le même sourire goguenard.
L’épée salvatrice maintenant disparue,
Tu n’en reste pas moins l’élue.

En cette ultime danse où se joue le hasard,
C’est à mon tour de te donner ta part.
Des lambeaux lointains de ma vie,
Pour celle qui fut une grande amie.

En cette ultime danse où se joue le hasard,
Je n’en reste pas moins celle qui chemine si tard.
Toi, le Crépuscule et la Rose réunis,
Moi, Le Lys malheureux d’une nuit.

En cette ultime danse où se joue le hasard,
Mon but ne sera plus pouvoir.
Car dans ces adieux chargés de paroles inespérées,
Mêlées à elles, résideront à jamais les larmes de l’amitié.

Toujours dos à son amie, Uryan regardait maintenant le ciel, où la lune brillait comme le plus beau des joyaux. Pour ce qui est des étoiles, certaines semblaient plus faibles que d’autres; mais une seule et toujours la même, donnait l’impression de faire un clin d’œil à la jeune femme.
Paisiblement le regard dans la même direction, Uryan s’allongea, non loin de la tombe, serrant fermement l’épée contre elle, et disant ces derniers mots lui revenant de souvenirs bien anciens, avant de se laisser glisser dans des songes lointains :

-Trois cent lésions me ramènent au ciel,
Comme trois cent légions de maudits poètes,
Avec un nom comme seul et unique espoir,
Le tien.

Du coin de l'œil Uryan remarqua la présence de Ice qui était adossé contre un mur, plus haut, devant l'entré du Temple de l'Ombre. Il semblait dormir, mais elle décida tout de même de l'interpeller.

Uryan : Qui va là?

Ice entrouvrit un œil, puis un autre, avant de se redresser sur son séant. Il se frotta les yeux, s'étira longuement en baillant, puis descendit rejoindre Uryan.

Ice : Ce n'est que moi.
Uryan : Et vous êtes qui vous?
Ice : Hein? Ah, veuillez pardonnez mon impolitesse, je suis Ice Arctique. Souverain d'Ikana. Et vous, quel est votre nom?
Uryan : Je suis Uryan. Que faite vous céan? Vous m'espionnez?
Ice : Qu'allez vous donc chercher là. J'écoute les plaintes des morts, rien de plus.
Uryan : Les plaintes des morts? Vous pouvez les entendre?
Ice : Pour être franc tout ce que j'entends ce sont des long gémissement... Rien de plus.

Ice balaya le cimetière du regard et ses yeux se posèrent sur la tombe devant laquelle Uryan était resté un long moment.

Ice : Une amie a vous?

Cela faisait un moment que Uryan ne dormait plus et avait abandonné ses rêves envahis de formes étranges.
Peu à peu le vent glacé était devenu plus persistant au point d'enlever la jeune femme à l'univers des rêves, chaleureux et réconfortants et, ainsi la ramener dans un monde où austérité et peines sont maîtres.

En relevant la tête Uryan s'était aperçut avec un léger étonnement que de toutes petites étoiles descendaient lentement d'un ciel grisonnant. Etait-ce encore un rêve ?
Non. Il neigeait, tout simplement.
Pas un seul bruit ne troublait ce paisible don des cieux. Comme une poudre scintillante, les flocons de neige virevoltaient dans des mouvements lents, pleins de douceur.

Ce fut en contemplant la danse gracieuse de la neige que Uryan remarqua qu'un homme se trouvait non loin d'elle. La jeune femme l'avait interpellé, puis s'était rendu compte qu'allongée comme elle l'était, elle se trouvait en position de faiblesse et, se releva rapidement, l'épée au clair. Or, ayant appris, non seulement qu'il était souverain et qu'en plus il ne faisait qu'être à l'écoute des morts, Uryan baissa hâtivement son arme et prolongea son dialogue avec lui.
Quand le dénommé Ice demanda, là où se trouvait la tombe, si il s'agissait d'une amie, l'expression de l'intéressée se transforma brusquement, passant d'une légère méfiance à une mélancolie non dissimulée.
Les souvenirs l'assaillirent rapidement, presque violement laissant son esprit bouillonnant d'images de toutes sortes. Le sourire espiègle de Crépuscule, son rire cristallin et enchanteur résonnant difficilement dans l'esprit de Uryan, et enfin ses yeux qui en disaient plus que des mots. Tout cela formait Crépuscule.
Et maintenant son amie n'était plus qu'un simple corps, froid et désert, sans plus aucune trace d'âme ni de souffle de vie. La mort était venue la chercher, elle l'avait arraché au cœur et à la destinée de Uryan, sans aucune indulgence. Uryan existait ainsi, avec la haine de la mort, la culpabilité de n'avoir pas été capable de protéger la seule qui la comprenait. Malgré tout, Uryan vivait et luttait inlassablement avec la même espérance de rejoindre un jour Crépuscule. Maigre espoir dans une vie…
Tenant étroitement la garde de son épée, le regard fuyant, Uryan parla d'une voix essoufflée.

-Peut-on encore considérer quelqu'un de mort comme un ami ?...

Avant que uryan est finie sa phrase un individu l'interpela,c'êtait itachie qui descendit la petite pente qui se trouvait a droite de la jeune fille.
Ice:TOC...
Ice fit apparaitre une fine pelicule de glace sous les pied d'itachie qui tomba lourdement sur le sol.

Le regard au sol mais malgré cela perdu très loin, Uryan sursauta soudainement quand un autre homme vint à elle. Or, en interpellant la jeune femme, il tomba dans un bruit pesant. Uryan fut certaine de ne pas se tromper en se déclarant intérieurement: *Itachie !*
Faisant tourner sa tête de Ice à Itachie Uryan, d'un seul coup ragaillardit, se rua rapidement vers l'endroit où le pauvre jeune homme blond faisait encore une fois corps à corps avec une herbe quelque peu salie mélangée à une neige devenue boue sous son poids.

-Besoin d'aide mon ami ?

N'attendant pas de réponse, Uryan se baissa et aida un Itachie recouvert de boue à se relever tant bien que mal. Pendant cette terrible ascension, Itachie coinça, on ne sait comment, la cape de Uryan, se qui fit à son tour chuter la jeune femme.
Complètement affalée de tout son long sur le corps d'Itachie, Uryan commençait à ressentir une douleur au bas du ventre.
Or, se qu'elle prit pour une blessure ne fut en fait que le début d'une longue crise de rires incontrôlables.
Ils étaient tous les deux là, l'un sur l'autre baignant dans une neige qui n'était plus qu'une vulgaire boue herbeuse.
Comme deux idiots, s'abandonnant à un moment de répit, dans une vie remplies de douleurs.

*

Après un long moment, les rires s'estompèrent laissant place au froid et à la mauvaise sensation de la boue sur la peau.

-Ice ? Serait-il possible que tu nous aide... s'il te plait ?

Ice regardait les deux jeunes gens avec un sourire calme. Il poussa un long soupir et marcha lentement vers eux, ses pas crissant dans la neige.
Il tendit gallament sa main a Uryan et l'aida doucement a se relever, puis il attrapa Itachie et le remis debout d'une manière un peu plus dure. Il laissa retombe le jeune garçon sur ses pieds.
Il se retourna vers Uryan

Ice : Pour répondre a votre question de tout a l'heure. Sachez qu'un ami reste toujours un ami. Le lien qui vous a uni demeure même s'il vous a quitté, il a simplement changé de forme, en attendant que vous vous retrouviez, c'est ce que je pense.

La boue donnait une curieuse impression sur la peau de Uryan; commençant à se craqueler, elle devenait rêche lorsque la jeune femme se frottait rapidement les mains. Il faudrait du temps avant que ses vêtements retrouvent leur couleur d'origine, de même que pour sa peau. Au moins cette chute avait permis à Uryan d'oublier un moment son chagrin et ce pourquoi elle se trouvait dans ce cimetière.

Prenant fermement la main tendue de Ice, Uryan entendit les dernières paroles de ce dernier; l'oubli d'un instant revint aussitôt, submergeant son esprit qui s'affola un peu plus aux souvenirs revenant à l'assaut, toujours sans aucune pitié.

Réfléchissant longuement aux paroles de Ice, Uryan se mit à concevoir qu'il n'avait pas si tort.
Lorsqu'elle avait perdue Crépuscule, il est vrai qu'il n'y avait pas de trace de sa présence, du moins physique, car au fond d'elle-même, Uryan ressentait quelque chose.
Cela se produisait au niveau de son cœur, parfois, quand elle s'éloignait dans de lointaines pensées, elle sentait comme un pincement qui progressivement se transformait en chaleur; petite flamme au début, puis qui grandissait peu à peu, comme si Crépuscule se tenait là près d'elle, ou plutôt en elle.
Quel réconfort de la savoir encore là, toute proche. Uryan s'attentait même à sentir le souffle de son amie, lui effleurer l'oreille, lui murmurant des choses, mais qu'elle ne réussissait jamais à percevoir, cette sensation disparaissant toujours à cet instant fatidique.
Alors, quand cette présence s'en allait ce n'était jamais de façon brutale; toujours en douceur par le biais d'une mélodie accompagnée de murmure, s'évanouissant peu à peu, pour enfin laisser place au chant du vent.

-Vous avez raison, Ice… Crépuscule est et sera toujours mon amie, tant que son souvenir sera en moi. Je me rappelle encore ce qu'elle me disait souvent: "Le passé peut s'oublier, mais pas les souvenirs." Ah, ce qu'elle avait raison ! Mais… elle me manque tellement…

*Stupides larmes* pensa-t-elle.

Faisant un grand effort pour retenir sa peine en elle, Uryan remit son capuchon, laissant seulement apparaître sa bouche quelque peu crispée. Jetant un dernier regard du coin des yeux vers la tombe, la jeune femme s'en éloigna afin de s'approcher d'une sorte de petit ruisseau, non loin d'une cabane, sûrement celle du fossoyeur. Sa cape, traînant sur le sol, laissa un léger sillage dans la neige encore lisse et fraîche d'un petit matin glacé.