Des sables, des sables à perte de vue pour ceux qui n'ont plus de regard [Pv Iker]

Le vent soufflait, soulevant d'épais nuages de poussière qui masquaient le soleil de par ses brises éternelles au milieu de ces dunes interminables. Le ciel grisâtre faisait tomber une chape d'obscurité sur le désert, une tempête modeste s'était levée et faisait crisser le sable lorsque le souffle du monde se mettait à hurler, épaississant les airs de ce paysage mort, oublié, qui paraissait aspirer les sons, les formes, les couleurs, et même le temps. C'est à cela qu'il ressemblait il y a un siècle, c'est à cela qu'il ressemblerait dans cent ans.
Car rien ne changera jamais dans un pays sans vie.

Le jour pouvait s'avérer brûlant, son soleil écrasant de toute sa fureur dévorante les pauvres fous qui osaient le défier. La nuit prélevait à son tour sa dîme lorsque la lune se levait, les températures folles de la journée s'inversaient rapidement et le feu devenait glace sous les étoiles. Et à toute heure les sables pouvaient s'agiter, par dessous, par dessus, la terre devenant subitement liquide sous les pieds des malheureux qui s'aventuraient par delà les chemins de leur enfance, faits de terre et de roches alors que les cieux griffaient et étouffaient les chanceux qui n'avaient pas été avalés par le sol.
Mais le pire résidait dans l'éternel mouvement de ce monde vide. Aucun paysage ne pouvait être plus vivant qu'un vaste désert, mais aucune terre n'était plus morte que ces dunes qui s'élevaient et s'écroulaient à chaque instant. Seuls les plus courageux ou les plus fous osaient défier les sables lorsque le temps n'offrait pas toute sa clémence. On y mourait de faim, de soif, de chaud et de froid, s'y égarant jusqu'à ce que le corps et les ressources s'épuisent ou que les monstres et spectres qui le hantaient n'abrège les souffrances des voyageurs qui s'y perdaient.

Pourtant dans l'obscurité des sables se dressait une silhouette solitaire. Un dément sans doute, il ne portait aucune provision, aucun équipement, pas même un sac ou un foulard. Il portait une simple tunique de lin, d'un gris plus terne encore qu'un ciel d'orage et un vieux pantalon d'un cuir trop souvent rapiécé, qui portait encore les marques de dégâts que son porteur n'avait pas jugé bon de réparer. Ses pieds étaient enfermés dans des bottes qui avaient vu plus de chemins et de combats qu'un héros en herbe ne pouvait l'espérer.
Il ne possédait pour tout et seul bagage que son sabre démesuré qu'il avait entièrement enroulé dans des bandelettes, bien que celles-ci commençaient à se défaire aux extrémités et à se balancer dans les vents parfois violents, comme son imposante chevelure d'argent qui dansait au gré des bourrasques. Son visage de marbre semblait plus dur encore que le climat, et l'étrange homme aux allures de spectre n'arrangeait en rien son étrange apparence par le port de ce bandeau brodés de gravures et de runes parcourant le cuir qui le composait, autour de ses yeux.

Il y a quelques temps de cela, sa vie avait fondamentalement été bouleversée. Et comme le voulait la légende urbaine, par la faute d'une femme. Les choses s'étaient précipitées, son "destin" avait changé de façon inattendue. Certes, le vagabond fantôme n'était pas...malheureux de cette intrusion dans sa vie, bien au contraire. Avec Elle, il se sentait différent, un peu plus...quelque chose. Sa vie avait peut-être trouvé une direction à suivre, à défaut que ses pieds y parviennent.
Pour elle, il s'efforçait de contrôler sa violence, sa haine aveugle. Il avait troqué son vieux manteau usé par les années et les atrocités contre une tenue plus...normale. Il avait même fini par cacher son vieux sabre, hésitant à s'en débarrasser mais sans parvenir à s'y résoudre. De plus, lui qui avait toujours été un solitaire, rejeté, conspué, honni par tous les êtres, il avait fini par parcourir le monde en sa compagnie. Et c'était...agréable quelque part.
Mais un trouble le gagnait quotidiennement. Un doute, une angoisse qui grandissait jour après jour. La sensibilité qu'il commençait à développer le mettait de plus en plus vite mal à l'aise, et de plus en plus fort, face à un nombre croissant d'événements. Il était en train de se perdre, et cela finirait mal.
Alors il en avait parlé à son..."amie", lui avait donné rendez-vous dans l'une ou l'autre des grandes villes. Un être comme lui finirait forcément par s'y faire remarquer s'il y allait. Puis il était parti.

Et Sephiroth était rentré "chez lui". Là, au milieu des sables, seul. Aveugle et sourd dans un nombre qui n'offrait rien à voir ou à entendre, sinon des paysages trompeurs et le murmure rugissant des vents. Cela n'avait aucun sens d'errer comme ça, sans but, sans passé ni avenir. Dans cette terre de misère et de mort, il n'y avait rien d'autre que lui, à chaque nouvelle seconde qui passait.
C'était tout ce qui lui fallait. Dans ce "foyer" qui l'avait vu grandir, souffrir, lui tendant à la fois la lumière de son humanité perdue et les ténèbres de son sang maudit, le surhomme essayait de comprendre, d'accepter, d'assimiler les nouvelles sensations et pensées qui naissaient en présence d'Ashiyu. Car ici, il ne bafouerait pas sa "promesse" si jamais il se laissait aller à ses pulsions profondément ancrées. Il n'y avait rien à détruire ici, alors si l'envie lui en prenait il pouvait frapper, hurler et se déchaîner dans tous les sens. Quelques fois il le faisait d'ailleurs, saisissant subitement son sabre momifié pour faucher les airs et les dunes, sans raison, avant de reprendre sa marche muette.