Le Prêcheur en Ikana

Tant d'événements cruciaux se sont déroulés en ces lieux, que ce soit à mes yeux ou à ceux de l'humanité elle-même, que même l'être froid et cynique que la vie avait forgé en mon âme ne put s'empêcher de réprimer un frisson lorsque j'y retournai.
Aucun habitant d'Ikana, homme, femme ou enfant, n'ignorait à cette époque les héros qui combattirent jusqu'à l'essence même du mal. Aucun ennemi n'avait pu résister au courage de ce grand peuple mêlé à l'habileté de ses dirigeants, qui surent les faire grandir.

J'étais l'un d'entre eux. Comme toujours, j'étais le pivot. Je prenais à ce peuple un renom messianique et rendait à ses dirigeants ma force et mon intelligence. Les Fedaykins, troupes d'élites, commandos de la mort redoutés de tous. Ils gardaient l'entrée du château dont j'approchais à grands pas malgré ma cécité, et n'auraient jamais vu le jour sans moi.

Mais quelle fierté puis-je en tirer ?

Mais aussi courageux qu'il soit, aucun peuple n'est à même d'accepter simplement la Vérité. Celle qui fait trembler les fondations sur lesquelles leurs vies sont construites. Celle qui leur révèle les impostures et les mensonges. Celle qui leur fait rencontrer le triomphe et le désastre, et leur fait traiter ces deux imposteurs de la même manière.

Aux grands maux les grands remèdes : Le Prêcheur prit ma place. C'était lui et lui seul qui dût retirer les voiles devant les yeux, qui dût faire trembler les salles du trône d'Hyrule et d'Ikana, et dont la voix dût résonner jusqu'en Celestia.

Sur une place gigantesque, peu sont à même de prêter attention à un aveugle encapuchonné, visiblement de retour d'un long voyage. J'avais donc besoin d'un tour de force. Je claquais donc en un geste les lourdes portes monumentales du Château, placées à un endroit où chacun pouvait me voir, en haut d'énormes escaliers. J'éliminai ensuite l'équipe de Fedaykin en quelques éclats de mon sabre laiteux, sans même poser sur eux mes orbites vides. Le silence se fit. D'une voix forte et audible à chacun, je déclarai :

"Écoutez ! Je vais prêcher.

Ici sont les bornes du pouvoir : il n'est vraiment existant que dans un univers ou les limites sont lois. Mais la leçon basique de notre univers relativiste est que les choses changent. N'importe quel pouvoir ne vit que pour rencontrer un pouvoir plus grand. Avez-vous au moins songé au pouvoir qui est le vôtre ? JAMAIS ! Et pourquoi ? Parce que c'est là haut, dans ces tours de marbres, que certains vous font, dès la naissance, croire que vous êtes limités ! Vous n'êtes pour ces gens que de la masse faite pour cultiver, vendre et pour les plus forts, combattre. Et leur stratagème marche au delà de leurs attentes : il s'agit pour vous de l'ordre naturel des choses.

Voici mes questions : combien de temps l'accepterez-vous ? Combien de litre de votre sang devra couler ? Qui sont ces gens pour le décréter ?

J'ai prêché".

C'est en ces termes, selon les limites de mon intellect, que je m'exprimai ce jour-là. Visiblement, la surprise et le choix des mots faisait son effet, et je laissai bon nombre de bouches entrouvertes lorsque je rengainai mon sabre et traversait la foule pour repartir.

Mémoires d'un Alchimiste, tome 16, livre 2 : Le Prêcheur en Ikana

Ice ? Kad ? Quelqu'un pour déterrer ça ?