Reconversion

La nuit était déjà tombée depuis un petit moment lorsque une ombre sortit discrètement du labyrinthe pour se diriger vers le laboratoire. L'assassin ne voulait apparemment pas se faire repérer, même par les autres membres de la guilde. On n'entendait que les bruissements de sa lourde cape qui frôlait le sol.
A peine arrivé au laboratoire, l'inconnu toqua un certain nombre de fois, avec des silences plus ou moins longs entre chaque martèlement. Tout cela devait certainement signifier quelque chose aux yeux de l'habitant des lieux puisque la porte s'ouvrit quelques secondes plus tard. Une main lui fit signe d'entrer et l'encapuchonné s'exécuta.
Le propriétaire du laboratoire, un vieillard que la nature n'avait pas gâté, sourit en regardant son ôté.

- Que puis-je faire pour vous, dame Mya ? Cela fait un moment que vous n'êtes pas venue ici... dit l'homme d'un ton enjoué.

En effet, il avait de quoi être heureux. La venue du chef de la guilde était toujours bonne pour ses affaires.
La jeune femme en question ôta son capuchon pour laisser apparaitre un teint blanchâtre et des yeux bleus nuit. Tout cela pouvait aisément dépeindre une froide nuit d'hiver... Son regard vide d'émotions se posa tout autour d'elle, comme si elle cherchait quelque-chose.

- Peut-être bien, oui... Te souviens-tu de ce que je t'avais demandé, justement, la dernière fois que j'étais venue ?
- Bien sûr, ma dame... répondit le scientifique fou, tout en se dirigeant vers l'arrière-boutique.

Il revint aussitôt avec un objet dans les mains, la mine réjouie.

- Le voilà, dame Mya. Et j'en ai encore une cinquantaine de prêts derrière.
- Parfait, dit-elle avec sourire mauvais, tout en regardant l'objet. Mais il nous en faudrait au moins une centaine. On ne sait jamais... Peut-être que les Gérudos souhaiteront s'en servir. Quant-à l'ordre de Krynn, même s'il s'allie à nous, je pense qu'il n'auront que faire d'armes comme celles-ci. Ce sont des magiciens, après tout...
- Il est vrai...
- Bien, d'ici combien de temps penses-tu pouvoir acquérir les autres ?
- Votre prix sera mon temps, ma Dame... dit-il en se pliant dans une courbette assez ridicule, mais l'œil avide d'argent.
- Tu es vraiment un rat... Mais cela ne fait rien. Je m'y attendais.

Et sur ces mots, l'assassin déposa une bourse pleine à craquer sur le bureau du vieillard.

- Je te payerai le reste une fois la cargaison débarquée. Fais ça vite et bien. Et n'oublie pas : ta vie dépend de ta discrétion...
- Oh voui, ma dame... je ne l'oublierai pas, dit-il en plissant ses petits yeux.

Et sur un dernier regard, la jeune femme s'en alla, remontant sa capuche sur ses oreilles.

Une semaine plus tard...

Adrix et Mya avaient chevauché plusieurs jours depuis l'Ordre de Krynn jusque chez eux. Cependant, il ne se dirigèrent pas vers leur repaire afin de faire une halte mais directement vers le laboratoire. Leur voyage avait été long et ils n'avaient déjà perdu que trop de temps, même si leur mission, d'après le chef de la guilde, s'était avérée un franc succès.
L'assassin frappa à la porte du vieillard, du même code que la semaine précédente. Celui-ci mit un peu plus de temps à ouvrir, cette fois. Il devait être assez occupé.
Il s'inclina devant la jeune femme et jeta un regard méfiant au sbire miniature qui la suivait. Il sembler songer à de mauvais souvenirs en voyant le garçon. La scène, pour un personnage extérieur, aurait pu être comique, les trois protagonistes faisant - à quelque chose près - la même taille (à savoir environ 1m50).
L'homme, après s'être incliné devant le chef de la guilde, les pressa d'entrer et referma la lourde porte sur eux.

- Ma dame ?
- Amène moi un exemplaire de ce que je t'ai demandé.
- Bien dame Mya.

Adrix, qui ne tenait déjà plus en place, regarda son chef avec un grand sourire : il allait enfin savoir ce dont elle lui avait parlé il y avait de cela trois jours.
Le vieillard, qui était parti dans une salle au fond du laboratoire, revint avec une arbalète qui avait de quoi en faire jalouser plus d'un. Elle était ornée d'argenterie et de pierres bleues, ce qui s'accordait parfaitement Mya.
Cette dernière haussa un sourcil.

- J'espère pour toi que tu ne les as pas toutes faites ainsi... Il nous en coûterait... adressa-t-elle à l'homme avec un ton de repproche.
- Non, non, ma dame. Celui ci est une petite fantaisie de ma part, rien que pour vous. Le modèle de base est bien plus simple, s'empressa-t-il d'ajouter.
- Bien. Montre moi un exemplaire de base, alors.

Et tandis que le scientifique s'en retournait à son arrière boutique, l'assassin se tourna vers Adrix.

- Alors ? dit-elle avec un petit sourire. Ainsi, nous pourrons cribler de flèches nos ennemis du haut du dirigeable sans qu'ils puissent nous atteindre.

Le petit garçon trépignait littérallement sur place. Le vieillard avait beau ne pas l'aimer, il s'en fichait ! Sa grande soeur lui avait promis une surprise, et en plus, il avait passé 3 jours à voyager sans s'amuser, autant dire qu'il était une petite boule de nerfs avec une tignasse blonde ! Son regard furêtait partout dans le laboratoire a une vitesse que l'être humain ne peut que difficillement suivre. En une fraction de seconde, il passait en revue tout ce qui avait l'air, sentait, ou juste semblait rigolo ou inconnu à ses petits yeux d'enfants. Il avait envie de faire le fou avec toutes ces fioles colorées et ces instruments tortueux, mais avant tout, il voulait voir ce que cachait sa grande soeur avant. Il tenta de voir ce que le papy croûlant allait chercher, mais en vain. Et c'est seulement lorsque Mya lui brandit l'objet sous le nez qu'il vit enfin la magnifique arbalète. Ses grandes pupilles s'écarquillèrent, devenant excessivement grosses et lui donnant un air de bambin tout mignon qui lui avait sauvé la vie un certain nombre de fois. Adrix n'avait déjà pas l'air bien vieux, mais avec cette mine, il semblait encore rajeunir de plusieurs années. Ses mirettes observèrent l'arme finement ouvragée sous toutes ses coutures, jusqu'au moindre détail, la moindre gemmes, jusqu'à la graver dans son esprit.

-Oooooh ! C'est trop claaaasse ! J'en veux un !

Il bondit sur le veillard comme un chaton sur une pelotte de laine, faisant au passage trébucher ce vieux corps fatigué qui répondit en couinant.

-Papi ! Papi ! Donne m'en une ! S'il te plaiiiiiit !

-C'est que...

Essayez de refuser quelque chose à Adrix et vous allez voir à quel point ça peut être chiant un môme. Parce que quand ça veut un joujou, ça insiste, et quand c'est aussi mal élevé que notre héros, ca vous secoue comme un prunier. Et quand vous avez sans doute près d'un siècle d'existence dans les dents, ça ne fais pas du bien à vos rhumatismes non.

-Lâ ! Lâ ! Lâlâ ! Lâche moi voyons !

Adrix le laissa enfin respirer. Le temps pour l'ancêtre de reprendre son souffle et de sortir une arbalète, normale elle, de sa réserve. Il la tendit au petit garçon qui s'en saisit avec un rire d'enthousiasme dont ceux de son âge ont le secret. L'outil était presque trop grand pour lui, et c'était tout juste s'il était capable de la soulever. Il soupessa l'arme de tir et chercha du regard une cible potentielle. C'est une fiole mauve qui eut l'insigne l'honneur d'être élue pour ce rôle ingrat !
Il se mit en position et tira... avant de se rendre compte qu'il avait oublié de mettre un carreau. Fort heureusement pour lui, c'était pas bien compliqué, et même avec ses connaissances limitées, il parvint à la charger tout seul comme un grand.

-Attend petit tu ne vas pa...

Trop tard, il avait ouvert le feu sur la mystérieuse potion. Hélas pour lui, ce n'était pas tout à fait le même recul qu'avec son lance pierre, et il se retrouva le cul par terre alors que le projectile décrivait une trajectoire hasardeuse avant de se planter bien loin de sa cible.
Voilà un petit Adrix vexé pour le coup, encore un coup ! Loupé ! Encore un ! Raté ! Encore ! Presque mais c'est pas ça !

-Raaaaaah ! Y en a marre !

-Non atte

Il laissa tomber l'arbalète et se saisit de son lance pierre. Une graine braise vola en direction de la mixture, sous l'oeil paniqué du savant fou qui vit, impuissant, son cocktail explosif et instable s'embraser brusquement. Alors que le vioque s'élançait en vain vers la potion pour tout annuler, cette dernière lui péta à la figure, l'aspergeant d'une matière rose bonbon stupidement collante.

-Oups... pardon monsieur =D !

Mya esquissa un sourire en voyant son sbire torturer le vieillard. Il ne tenait pas en place, celui là, décidément. Et c'était tant mieux. La plus grande crainte du savant fou s'avérait être Adrix lui même et si jamais la jeune femme n'était pas satisfaite du travail du plus proche voisin de la guilde, elle n'aurait qu'à lui envoyer le petit blondinet qui ne manquerait pas de mettre le laboratoire à feu et à sang. (Même si cela restait à voir pour le sang...)
Après de nombreux essais pas très convaincants, le petit protégé du chef de la guilde repris son lance-pierre. L'assassin songea alors à un léger détail qui ne l'avait pas effleurée jusque là. Il faudrait un entrainement intensif à bon nombre d'entre eux pour pouvoir maitriser ces arbalètes... Encore que la plupart des Moordenaariens réagiraient certainement comme Adrix, à savoir préférer garder leur arme d'origine. Il ne fallait donc pas perdre de temps. Krynn pouvait envoyer ses soldats d'un jour à l'autre et la guilde devrait être prête à ce moment là.

- Je garde celle-ci. Nous reviendrons vous voir peu avant la bataille. En attendant...
- Voui, je sais, ma dame. Ma vie dépend de ma discrétion, s'empressa de répondre l'homme en la regardant de ses yeux globuleux.
- Humf... laissa s'échapper l'assassin en approuvant de la tête. Adrix, on y va ! ajouta-t-elle à l'adresse du petit blondinet.
- On va où maintenant, grande sœur ? lui demanda l'enfant en accourant auprès d'elle.
- Maintenant, on va s'entrainer ! répondit-elle avec un sourire carnassier.

Et les deux jeunes gens sortirent aussitôt pour se diriger vers le repaire.
Il semblait qu'Adrix attendait l'entrainement depuis bien longtemps. Il s'agissait plus d'un jeu qu'autre chose à ces yeux, d'après Mya. Mais ils pourraient enfin mettre leurs techniques doubles au point et parer toute faiblesse venant de l'autre. Quelque part, cela les rendrait invincibles, et c'était ce que la jeune femme cherchait, justement. Le seul soucis était l'imprévisibilité du garçon. Mais en travaillant, la Moordenaarienne était certaine qu'elle saurait plus ou moins lire dans le jeu de son compagnon.